Si la matière est au cœur des enjeux d’édification, il en est une invisible que nous conditionnons, traitons, recyclons et, bien souvent, oublions : l’air. C’est ce qu’interroge le présent article, en s’appuyant sur une recherche en cours autour des objets mais aussi de l’environnement technologique et social qui se construit autour du contrôle de l’air en architecture. Établissant le portrait d’objets rencontrés sur des terrains d’observation en agence ou sur chantier, cet article révèle une chorégraphie d’acteurs qui conditionnent l’efficacité du système aéraulique jusqu’à, parfois, en ébranler la pertinence. En architecture, l’ingénierie aéraulique rencontre, après quelques décennies de perfectionnement et de développement technique, un cadre d’objection au travers des gestes de mise en œuvre et d’usages. L’article souligne ainsi les paradoxes qui surviennent entre la tentative de contrôle d’une matière éminemment complexe à maîtriser, à saisir, à mesurer, et des conditions de réalisation du projet qui recréent en permanence le contexte de fabrication. Ces fragilités révélées ébranlent le mythe du contrôle et traduisent la nécessité d’insuffler un débat, de réactiver un pouvoir d’attention, de repenser la rencontre entre air et architecture.