RÉSUMÉ
De l'avis de plusieurs, il existe une tension entre le modèle « naturaliste » des émotions qui inspire les psychologues évolutionnistes et le modèle des constructionnistes sociaux. D'un côté, il semble que les émotions sont innées, rigides et panculturelles ; de l'autre, elles sont conçues comme des artefacts culturels, changeant au gré des arrière-plans culturels. Nous examinons chacune des deux approches et montrons que l'approche naturaliste n'est pas incompatible avec une forme de constructionnisme faible, en ce que la première peut tenir compte d'un certain degré de plasticité. Nous soutenons qu'en fait les deux courants devraient être vus comme offrant des points de vue différents, mais complémentaires, sur les mêmes phénomènes. Cependant, une part du domaine des émotions étudiée par les constructionnistes échappe aux efforts d'intégration. Une façon de remédier à la situation est de proposer un réaménagement conceptuel du domaine. Par exemple, Griffiths (1990, 1997) propose que la solution passe par l'élimination du concept d’« émotion ». Quoique notre investigation des différentes formes d'émotions suggère un certain scepticisme concernant l'utilité théorique du concept d’« émotion », nous croyons qu'il est trop tôt pour en annoncer la mort.