Aux cours des deux dernières décennies, nous nous sommes aperçus de nouveau, entre autres grâce aux travaux de l'équipe de Pierre Nora et de ses adeptes, que les phénomènes que ces chercheurs ont qualifié comme 'lieux de mémoire' sont parmi les sources principales de notre conscience historique 2 . Des célébrations commémoratives d'importants évènements historiques, telles que les promulgations de l'Édit de Nantes ou des Traités de Westphalie en 1998, pour ne citer que quelques exemples relativement récents, constituent sans doute pareils 'lieux de mémoire'. Le constat que ces évènements sont souvent encouragés, voir commandés par les autorités politiques, n'a alors rien d'étonnant. Certains entre eux acquièrent par leur nature une dimension européenne. Ainsi nous nous souvenons tous des célébrations du cinquième centenaire de la naissance de Charles Quint, organisées il y quatre ans. Une exposition itinérante spectaculaire a attiré alors des dizaines de milliers de visiteurs à Gand, Bonn, Vienne et Tolède 3 .En outre, à cette occasion une pléiade d'historiens a présenté au vaste public des images souvent nouvelles de l'empereur. Évidemment tous ces livres reflètent les univers intellectuels et culturels de leurs auteurs respectifs. Ainsi l'autrichien Andreas Kohler nous présente un empereur germanique dont les tentatives à renforcer le pouvoir de sa propre maison et à sauvegarder l'unité promue par la vieille foi avaient échoué 4 . L'espagnol Manuel Fernández-Álvarez par contre, accentue l'oeuvre unificatrice accomplie par le premier Habsbourg dans une péninsule ibérique dont les habitants des différents royaumes étaient jaloux à préserver leurs privilèges et leurs institutions gouvernementales traditionnelles 5 . L'ouvrage de Pierre Chaunu et Michèle Escamilla est à ma connaissance la plus originale des biographies publiées à cette occasion en langue française 6 . Ces auteurs nous brossent avant tout un portrait intime de Charles Quint. Le dernier auteur que j'introduis ici, Wim Blockmans, insiste pour sa part sur les limites