À la frontière de Melilla, le massacre du 24 juin 2022, perpétré par des forces marocaines et espagnoles, a provoqué la mort d’au moins 27 personnes et la disparition de plus de 70 autres, a fait plusieurs centaines de blessés et au moins 100 prisonniers. Pour tenter de comprendre ces évènements qui s’ancrent dans un continuum de violences antimigratoires qui perdure en toute impunité depuis deux décennies, il faut replacer cette frontière dans sa matrice raciale et décrypter les rapports de genre en jeu. Se basant sur un long travail ethnographique mené entre 2015 et 2017, et sur une contre-enquête collective réalisée en 2023, le présent article dissèque la violence sous le prisme des rapports de race et de genre. Cette approche permet de comprendre que la reproduction constante de masculinités guerrières autour de la frontière, pour la défendre ou protester contre elle, a fait augmenter, année après année, l’intensité de la violence envers les migrants Noirs jusqu’à aujourd’hui. Cet affrontement perpétuel de masculinités militarisées à la frontière, engendré par les politiques migratoires européennes, espagnoles, et leur externalisation au Maroc, a renforcé un ordre raciste qui, inéluctablement, continue de semer la mort sans parvenir à étouffer complètement les résistances.