Dans cet article, je m’interroge sur le rôle de l’anthropologue dans le cadre d’une recherche « chez soi » (« a casa ») au travers d’exemples ethnographiques qui illustrent la façon dont mes interlocuteurs et moi avons construit de manière polyphonique les discours sur la mémoire ouvrière du quartier Bicocca à Milan – lieu où se trouve à la fois l’Université où je me suis formé et le terrain de mon enquête. Dans les pages qui suivent, je montre le rôle central du temps, et plus spécifiquement celui de l’appartenance à des générations sociales différentes dans la construction d’une altérité au sein d’une proximité spatiale. Dans un premier temps, je dresse un portrait de l’histoire récente du quartier, dans la mesure où les transformations dont il a été l’objet sont fondamentales pour comprendre sa mémoire sociale. Dans un deuxième temps, je décris les dispositifs de co-construction du passé de cette aire « post-industrielle » en montrant les limites, les difficultés de communication et de transmission de savoirs entre générations différentes.