Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'argument de la raréfaction de la ressource dans les pêches maritimes n'est pas récent. C'est ce que montre ce texte pour une période qui couvre la première moitié du xx!! siècle, qui porte sur une partie bien précise de l'Afrique et qui renvoie au contexte bien particulier de l'époque coloniale. La persistance de ce discours pendant un demi-siècle, alors qu'il est, dans la période et pour la région considérées, constamment démenti par les faits, montre que ses raisons sont ailleurs que dans ceux-ci. Mettant en évidence le caractère récurrent et non fondé (pour le cas de figure analysé) d'un argument qui est considéré comme une évidence aujourd'hui et qui joue un rôle paradigmatique dans J'halieutique, ce recul historique invite à s'interroger sur ses fondements, et peut-être même sur sa pertinence, actuels. De nos jours, en cas de • problème • dans la pêche maritime, des voix majoritaires dans ces mondes interconnectés que sont les mass media, les scientifiques, les administrateurs et les hommes politiques tiennent des propos qui révèlent des conceptions ressemblantes : recours constant au filtre de la ressource vivante pour expliquer ou justifier les mesures prises ou à prendre ; volonté de faire d'une pierre de nombreux coups en voulant s'attaquer simultanément à de nombreuses questions au nom d'objectifs multiples (par exemple conserver la ressource et favoriser la pêche ou développer la pêche tout en limitant la production) ; et, dans les faits, alignement plus ou moins marqué des interventions scientifiques avec les politiques des pêches, même si dans le même temps ces scientifiques s'estiment trop peu entendus par les pouvoirs publics (les • décideurs •). Or, c'est dans les sentiers battus qu'on trouve le plus d'ornières. Replacés dans la durée, des faits peuvent déjouer des conclusions apparemment sûres. Ainsi, le constat d'un proche épuisement des ressources halieutiques mondiales n'empêche-t-il pas la croissance des pêches maritimes en maintes régions, et notamment dans les pays du sud. D'une manière générale, la thèse de la surexploitation a acquis une valeur explicative universelle, du niveau local à l'échelle mondiale. Curieusement, tous les constats ont pour point commun de ne considérer que le présent, alors que la vision historique du phénomène révèle que voilà plus de cinquante ans que circule le même discours sur la ressource globalement limitée, en voie d'épuisement par excès de pêche. Faire évoluer un tel discours est-il possible?
Abstract -Science and fishing policies in French West