RésumésActeurs majeurs de la traite transatlantique des esclaves, les royaumes de Hueda et du Dahomey (Sud du Bénin actuel) se sont insérés dans les flux mondiaux de marchandises. Entre le xviie et le xixe siècle, les biens importés y ont alimenté des pratiques de consommation ostentatoire et des attitudes de largesse ritualisée dont les manifestations ont été essentielles à la consolidation de la souveraineté des monarques. En mettant l’accent sur deux marchandises en particulier (le tabac et la porcelaine) ainsi que sur des pratiques comportementales (fumer, cracher), cet article étudie la façon dont ces biens étaient matériellement et symboliquement intégrés à la culture de cour et associés à des croyances religieuses et à des pratiques rituelles du vodun. Il associe une enquête micro-historique reposant sur des sources écrites avec des découvertes archéologiques, des observations anthropologiques et l’analyse de sources visuelles et sculpturales, afin de mettre en évidence des aspects récurrents de la scénographie de cour, de comparer les significations des pratiques corporelles dans différentes régions du monde et d’identifier les liens matériels engendrés par le commerce mondial. L’article montre ainsi que les palais royaux ont été des laboratoires essentiels d’un changement esthétique et de nouvelles cultures de consommation élitiste. Au cours de ce processus, les éléments d’origine étrangère ont non seulement enrichi la culture matérielle des palais, illustrant la splendeur mondiale des monarques, mais ils se sont également chargés de nouvelles significations qui ont intégré ces biens et les pratiques afférentes dans des codes culturels spécifiques à certaines régions.