Depuis plus de vingt ans, un des défis majeurs de la psycholinguistique est de décrire la nature de la représentation mentale construite par un lecteur. Si cette question est à l’étude depuis tant d’années, c’est que, contrairement à d’autres processus comme l’accès lexical ou l’analyse syntaxique, la compréhension d’un texte est restée pendant longtemps un objet difficilement étudiable scientifiquement en raison du manque de rigueur dans sa définition et de l’absence de modèles suffisamment explicites. Tel n’est plus le cas aujourd’hui. Les chercheurs s’accordent, en effet, pourdéfinir la compréhension d’un texte comme la construction d’une représentation situationnelle qui combine les propositions extraites du texte à celles qui ont été réactivées en mémoire à long terme afin de constituer une représentation non du texte, mais de ce dont le texte parle. Parmi les multiples dimensions censées être représentées dans le modèle situationnel, l’espace et le temps sont certainement ceux qui ont retenu le plus d’attention. L’objet du présent travail est de confronter nos connaissances à propos du rôle de ceux-ci lors de la construction du modèle situationnel. Une telle analyse semble particulièrement fructueuse parce que le temps et l’espace ont été étudiés selon deux points de vues différents et pourtant complémentaires. L’étude du temps s’est focalisée principalement sur les moyens linguistiques permettant d’exprimer celui-ci dans les textes (p. ex. les adverbiaux temporels) et sur leur impact lors de la compréhension. Par contre, la manière dont les informations spatiales sont présentées dans un texte a retenu bien peu l’attention au profit de la question de savoir si et comment la multidimensionnalité de l’espace peut être reconstruite par le lecteur sur la base de la linéarité d’un texte. Un des objectifs spécifiques de ce travail est de proposer, sur la base de cette confrontation, de nouvelles hypothèses de recherches à propos du rôle des adverbiaux spatiaux lors de la construction du modèle situationnel. Un second objectif, tout aussi important, vise à déterminer comment les conclusions issues des recherches empiriques à propos de l’espace et du temps s’accordent avec les deux principales théories décrivant les processus cognitifs qui sous-tendent la compréhension : la conception constructiviste selon laquelle le lecteur cherche activement à construire un modèle situationnel et la conception mémorielle qui met l’accent sur les processus automatiques d’activation des connaissances à la source de ce même modèle.
For more than twenty years, one of the major challenges faced by psycholinguistics has been to describe the nature of the mental representation a reader builds. This question has been studied for so many years because, contrary to other processes like lexical access or syntactic analysis, the comprehension of a text was long considered to be difficult to study scientifically as its definitions were not sufficiently rigorous. Today this is no longer the case. Researchers agree to define the comprehensi...