Bruno JaudonLes compoix, ancêtres des matrices cadastrales contemporaines, forment en soi un corpus documentaire au coeur du patrimoine archivistique du Languedoc du Bas Moyen Âge et de l'époque moderne. Ces documents fonciers publics, à l'initiative et à l'usage des municipalités anciennes, sous toutes leurs déclinaisons juridiques, s'inscrivent dans une large aire culturelle nord-méditerranéenne. On les retrouve, conservés parfois dès la fin du XII e siècle, dans les espaces urbains et ruraux qui vont de l'Italie du nord jusqu'au sud de la Catalogne, îles Baléares comprises. Leur contexte de diffusion, très large dans l'actuelle France méridionale, est désormais largement connu, circonscrit et chronologiquement balisé 1 . À lui seul par exemple, le compoix du Pouget (Hérault) de 1342-1343 démontre l'intérêt majeur, pour l'historien, de garder à l'esprit qu'une découverte ou redécouverte documentaire peut bousculer des conclusions qui semblaient définitives. Plus vieux compoix rural aujourd'hui connu et conservé de l'ancienne province, il est donc luimême un emblème de ce riche patrimoine documentaire des pays de droit écrit et de droit romain.Son arrivée aux archives de l'Hérault, à l'été 2015, est tout une histoire, que raconte Julien Duvaux, chef du service des archives anciennes, notariales et privées : La commune du Pouget conservait ses archives publiques à la mairie jusqu'en 1974, date à laquelle elle a déposé ses archives anciennes (archives antérieures à 1790) et modernes (jusqu'aux années 1930 environ) aux archives départementales de l'Hérault. En 1978, la commune a souhaité révoquer le dépôt des archives modernes (postérieures à 1790) et les a donc récupérées, ne laissant en dépôt que ses archives Le compoix du Pouget (Hérault) de 1342-1343 : une archive extrêmement précieuse Patrimoines du Sud, 15 | 2022 Le compoix du Pouget de 1342-1343 : une estime ruraleCe compoix est un codex papier de 26 x 31 cm à couverture en parchemin de remploi retourné, dont la langue originale, une fois mises de côté les mains successives, qui ont encombré ses pages, est le latin. Lacunaire, le registre s'ouvre au folio 11 et compte aujourd'hui un peu plus de 200 feuillets, l'ampleur de la lacune après le f° 210 étant impossible à estimer.
Une structuration révélatriceComplété, biffé, corrigé, repris, réécrit, saturé de mutations foncières et de recalculs, il a énormément servi et longtemps sans doute. On peut en effet relever des items rédigés dans une écriture assez caractéristique du milieu du XV e siècle qu'on retrouve ici et là (fig. 1) 4 .