La visite du Musée-Mémorial d’Auschwitz-Birkenau est une expérience de devoir de mémoire. Il est alors envisagé plus en tant que pratique que comme une idée ou une injonction. Les visiteurs interrogés dans le cadre d’une enquête sur l’expérience de visite de ce lieu en parlent comme d’une préoccupation métaphysique permettant de prendre conscience de la nature humaine plutôt que comme une édification historique, morale ou politique. Ce rapport au passé fait écho à la pratique mémorielle à laquelle invite le philosophe Karl Jasper lorsqu’il parle de la culpabilité allemande. Les humains apparaissent comme étant à la fois capables de commettre des atrocités et comme capables d’empathie envers les victimes. Ces deux virtualités qui s’excluent mutuellement sont réalisées par les nazis pendant la Shoah et ressenties par les visiteurs pendant la visite d’Auschwitz-Birkenau. Si le spectre de l’horreur hante tous les humains et l’humanité en général, l’exercice de l’empathie engagée par la victime permet de le conjurer. D’un côté, le risque n’est pas le retour du passé, mais la manifestation de cette nature sous une autre forme. D’un autre côté, la responsabilité pour que cela ne se reproduise plus ne consiste pas à être attentif à la non-reproduction de conditions politiques et idéologiques passées, mais à reconnaître la souffrance humaine présente.