Résumé
Cet article porte sur les implications individuelles et collectives du passage du statut de réfugié à celui de « local staff ». En effet, certains Albanais du Kosovo sont passés d’un statut à l’autre durant la guerre, après celle-ci et lors de l’exode massif du Kosovo au printemps 1999. En prenant l’exemple d’une femme en particulier, l’article étudie d’abord les relations entre les dimensions normatives et subjectives des statuts de réfugié et de local staff pour montrer ensuite comment ce transfert de statut entraîne deux phénomènes. D’une part, il permet l’acquisition de pouvoirs socio-économique, politique et familial qui avaient été, dans l’expérience de l’exil et du refuge, réduits au minimum. D’autre part, il provoque, surtout chez les femmes dans la vingtaine, des remises en question des mentalités et des valeurs qui ont largement contribué à la constitution d’une résistance des Albanais du Kosovo au régime yougoslave pendant les décennies 1980 et 1990. Finalement, ce statut, quoique temporaire, étant donné qu’il est lié à la présence éphémère des organisations étrangères au Kosovo, est un facteur de changement social qui ébranle certaines bases identitaires telles que l’organisation familiale albanaise.