Je voudrais reprendre ici la question de la relation entre langue parlée et langue écrite, non pas dans tous ses aspects, mais en la limitant à la question générale de l'écriture. Il s'agit assurément là d'une question qui relève de la linguistique générale -voire de la sémiotique générale -et non de la seule linguistique française. Il n'empêche qu'un certain nombre des propositions les plus marquantes sur le sujet, tant du côté de ceux que j'appellerai ci-après les autonomistes que du côté des hétéronomistes, ont été exprimées par des francophones, et parfois dans le cadre strict de la linguistique française (du premier côté, on pensera par exemple aux travaux d'Anne-Marie Christin, et de l'autre -excusez du peu -à Ferdinand de Saussure). Quant à la question de l'orthographe française, elle n'a cessé de renvoyer, le plus souvent implicitement mais très explicitement chez l'infatigable pionnière qu'a été Nina Catach, à des définitions de l'écriture, et à la problématique de la relation entre langue parlée et langue écrite.
1.Introduction : entre autonomisme et glossographisme Les débats sur la relation entre langue écrite et langue orale renvoient à une hésitation majeure entre plusieurs conceptions de l'écriture. La situation est résumée de manière lumineusement simple par le Dictionnaire raisonné de la théorie du langage : « Il existe une controverse concernant le caractère dérivé ou autonome de l'écriture par rapport à l'expression orale » (Greimas et Courtés, 1979 : 115).Ainsi, on observe que les théoriciens peuvent tendre vers deux pôles.Le premier est occupé par les glossographistes (ou encore hétéronomistes, logocentristes, représentationalistes : l'inflation terminologique est ici spectaculaire); l'autre par les autonomistes. Pour les premiers, la langue écrite n'est rien d'autre qu'un transcodage de la langue orale, la part spatiale de l'écriture étant inféodée à sa part verbale, voire tout simplement ignorée ; pour les seconds, c'est cette part spatiale qui prédomine.Ces positions ne sont pas diamétralement opposées, et c'est pourquoi j'ai dit qu'elles s'ordonnaient le long d'un axe. Et d'ailleurs, plutôt que polaire, l'opposition est surtout d'extension : la conception glossographiste est une conception stricte (provinciale, diront ses détracteurs) ; la conception autonomiste est une conception large (pan-sémiotique, diront ses critiques, tout le sémiotique finissant par se résorber dans le concept d'écriture).Conformément à l'objectif des conférences plénières de ce congrès, mon propos visera à faire le point sur la question. Mais je ne limiterai pas là mon ambition : ce point, nous le ferons en examinant l'une et l'autre des conceptions que je viens de nommer, pour en faire apparaitre leurs conséquences ultimes. Nous en testerons ainsi l'intérêt et les limites, pour finalement aboutir à une définition de l'écriture qui, complétée au fur et à mesure que des objections surgiront, devrait au bout du compte échapper aux critiques qui auront été formulées. Je commencerai par la conception étroite, ou glo...