À l’instar de toutes infrastructures techniques, celles du traitement et de l’assainissement participent à construire la relation qu’entretient la société avec l’eau. C’est particulièrement le cas depuis les années 1960, époque à laquelle un intérêt croissant s’éveille un peu partout dans le monde, et plus récemment en France, autour de la pratique consistant à réutiliser les eaux usées traitées (Reut) pour agir face au manque d’eau. La Reut fait alors figure d’un nouvel ajustement technique à la pénurie, qui se veut différent des infrastructures plus classiques (barrage, transfert d’eau). Or, en France, cette pratique pose la question du mode d’existence de ces eaux usées, puisque chargées en éléments pathogènes, elles ont été pendant longtemps synonymes de problème sanitaire à évacuer. Désormais, elles sont envisagées comme une ressource à valoriser et dont l’enjeu consiste à les réintroduire dans une société qui les a historiquement éloignées. À partir d’une étude empirique, cet article rend compte des effets performatifs de cet ajustement technique sur le rapport qu’entretiennent avec ces eaux les habitants d’un territoire situé en région Occitanie et confronté au manque d’eau. Les discours recueillis témoignent plus largement du projet politique qui sous-tend La Reut, à travers l’idée d’un recyclage vertueux et d’une fluidité prometteuse.