À la date du 11 mars 1763, une entrée des registres de la manufacture royale de Beauvais mentionne la commande de six tapisseries sur des thèmes « chinois » à délivrer au ministre d'État Bertin, afin de servir de cadeaux à envoyer en Chine. Cette dite « seconde tenture chinoise », réalisée à partir d'esquisses de François Boucher, est en effet offerte à l'empereur Qianlong, pour sa plus grande satisfaction, d'après une lettre du jésuite Michel Benoist à Bertin du 10 novembre 1767. L'empereur ordonne, pour l'abriter, la construction d'un nouveau pavillon dans l'ensemble des « palais européens » du Yuanmingyuan. Cet exemple fameux de cadeau diplomatique est réinterprété, sous divers angles, dans deux articles du présent dossier, sous la plume de John Finlay et de Marie-Laure de Rochebrune. Il permet d'envisager la diversité des acteurs impliqués dans ces relations diplomatiques à différentes échelles, depuis la production des objets jusqu'à leur réception, toujours active, et à l'adaptation de ces artefacts à leur nouveau contexte, ne serait-ce que dans la manière dont ils sont mis en scène, ou, au contraire, entassés dans quelques dépôts à l'abri des regards. Or la tapisserie faisait partie d'un ensemble de cadeaux incluant aussi de nombreuses porcelaines de Sèvres, démonstration de la maîtrise technique des artisans français. Ce dossier d'articles est la première livraison d'un projet de recherche au long cours portant sur les techniques de l'émail et leur circulation entre l'Europe et l'Asie jusqu'au xix e siècle. Né de la rencontre entre les recherches innovantes menées ces dernières années par des équipes françaises et un appel à collaboration lancé en 2014 par le musée du Palais de Pékin, le projet a été doté par l'INSHS (Institut des sciences humaines et sociales) du CNRS du statut d'IRP pour les mobilités internationales (International Research