CONCLUSION Comment la Francophonie construit son avenirSi la Francophonie a pu susciter, pour ce numéro très stimulant de la revue Hermès, l'intérêt de si nombreux et éminents spécialistes et universitaires, c'est sans doute parce qu'elle apparaît désormais comme un mouvement original, presque atypique de cette nouvelle époque du mondialisme, comme un acteur novateur et utile des relations internationales. Cette réalité n'est pas une surprise pour ceux qui sont, depuis longtemps, engagés dans cette dynamique avec la conviction et l'optimisme nécessaires pour nourrir la patience et la détermination qui ont permis de rendre de plus en plus convaincante la cause de la Francophonie.C'est bien là le signe que nous sommes en train de franchir une étape importante de l'évolution du mouvement francophone. D'abord parce que nous voyons enfin se dissiper cette image négative et rétrograde d'une communauté repliée sur ellemême et sur la défense réductrice de l'orthodoxie de sa langue, cette image aussi d'une espèce de « machin » instrumentalisé par certains à des fins prétendument néo-coloniales. En tous cas aujourd'hui, forts de nos avancées dont ce numéro d'Hermès s'attache à situer la portée et le sens, nous oeuvrons à préciser et à consolider les axes forts d'un engagement renouvelé, et nous le faisons en puisant en permanence dans les richesses de nos origines et de notre histoire. Notre force aujourd'hui, qui nous aide et nous inspire pour forger notre avenir, c'est celle que nous ont léguée nos pères fondateurs. Dans ces années 1960 troublées par la décolonisation et la recomposition des rapports de force entre les grandes puissances, l'appel lancé par Léopold Sédar Senghor, Hamani Diori, Habib Bourguiba, Norodom Sihanouk, tous hommes du Sud, n'avait pas été immédiatement compris. L'idée d'organiser une communauté présente sur les cinq continents, riche de sa diversité, autour d'une langue commune et de valeurs fortes d'humanisme et de partage aspirant à une civilisation de l'universel, était pourtant une approche visionnaire dont on reconnaît à présent plus que jamais l'actualité. Mieux même, c'était une proposition pour oeuvrer à l'organisation d'un monde de paix, de réconciliation et d'enrichissement mutuel qui a attendu des décennies avant de ne plus être considérée comme une utopie ou une sorte d'angélisme, et d'être adoptée comme une vraie réponse aux défis du monde.HERMÈS 40, 2004