La filiation peut-elle être l'objet d'une interrogation sur la « biologisation » ou la « rebiologisation » des questions sociales ? C'est la question qui guidera la présente contribution, abordée sous l'angle de l'anthropologie des relations de parenté contemporaines. Une telle interrogation semble légitime au vu des débats politiques et juridiques récents. Choisissons, parmi d'autres, deux exemples. Durant l'automne 2007, de vives polémiques ont accompagné le vote d'un amendement au projet de loi Hortefeux sur l'immigration, qui instaurait la possibilité du recours aux tests ADN dans les procédures de regroupement familial, les candidats pouvant apporter la preuve de leur filiation par un test génétique. Soulignant l'incompatibilité d'un tel projet avec le contenu de la filiation en droit français et les règles bioéthiques qui prévalent à l'utilisation des tests ADN, elles dénonçaient la réduction des liens parents-enfants à une stricte dimension génétique et la stigmatisation des familles étrangères qui s'y trouveraient alors soumises, la loi créant pour elles une catégorie spécifique de filiation. Elles soulignaient également, pour démontrer l'inadaptation d'une telle conception des liens parents-enfants à la société française contemporaine, l'importance des parentés « sociales » incarnées notamment par les recompositions familiales. Ainsi en août 2007, la lettre de mission du président de la République au ministre concerné, évoquait-elle en ces termes le projet d'une reconnaissance légale du rôle des beaux-parents dans les familles recomposées : « Vous créerez un statut du beau-parent dont l'objectif est de permettre aux adultes qui vivent avec des enfants dont ils ne sont pas les parents biologiques de pouvoir procéder pour eux aux démarches habituelles de la vie quotidienne, et de protéger juridiquement, dans l'intérêt de tous, les liens affectifs incontestables qui se nouent entre ces enfants et ces adultes. » 1 Cette formulation visait sans doute à décrire simplement la situation des beaux-parents élevant dans les familles recomposées des enfants qu'ils n'ont effectivement pas conçus. Mais en distinguant parents et beaux-parents en fonction d'une relation « biologique » à l'enfant, 1
Résumé À partir d’une recherche en cours auprès d’hommes séparés ou divorcés élevant leurs enfants selon différentes modalités résidentielles, cet article interroge les clivages sociaux et sexués traversant la paternité « en solitaire », tout en l’envisageant à travers différentes temporalités (quotidienne, biographique et générationnelle).
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