Béatrice de GASQUETParmi ce que le monde juif orthodoxe perçoit comme des transgressions, l'un des gestes radicaux du groupe des « Femmes du Mur » depuis 1988 est de revêtir un châle de prière (en hébreu talit 1 ) et, selon les offices, des phylactères (tefilin) pour venir prier entre femmes devant le Mur occidental du Temple de Jérusalem. Visuellement extrêmement fort, ce geste, qui participe à la médiatisation du mouvement, représente pour ceux des rabbins orthodoxes qui s'estiment décisionnaires sur ce lieu hautement symbolique, une forme de travestissement interdit par la Torah, et a valu à certaines l'arrestation 2 . Au sein du judaïsme orthodoxe, l'exégèse juridicoreligieuse a en effet associé le châle de prière à la prière des seuls hommes, notamment pendant les offices du matin à la synagogue.Si le châle de prière est, dans les représentations, associé à la kippa et aux tefilin, on se focalisera ici sur le talit. Plus que la kippa, il est réservé au temps de la prière, tout en étant moins associé à une pratique religieuse « virtuose » (au sens de Max Weber) que les tefilin qui ne sont portés que pour la prière du matin en semaine et non lors de l'office du matin de shabbat, le plus fréquenté. À travers l'accès des femmes à ce vêtement rituel, il s'agit ici de poser la question de l'accès genré à ce que j'appellerai le corps juif de la prière en public, en m'inspirant des réflexions de l'une des femmes que j'ai rencontrées dans une synagogue libérale française : 1 ,טלית transcrit en français suivant les lieux tallit, talith ou taleth.
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