Benoît Morissette, Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité et la démocratie Cette anthologie critique rassemble dix articles condensant l'essentiel des réflexions de Jean-Charles Bonenfant sur le fédéralisme et le parlementarisme canadien. Les textes de l'ancien directeur de la Bibliothèque de l'Assemblée législative, devenu professeur de droit à l'Université Laval, ont été rédigés entre 1962 et 1977. Ces interventions sont accompagnées d'une dizaine d'essais critiques, écrits par des auteurs issus du droit, de l'histoire, de la sociologie et de la science politique. Parmi ces analyses, certaines rappellent que Bonenfant appartenait à un groupe de penseurs qui concevaient le régime fédéral comme un rempart contre l'américanisation du Canada. D'après eux, le durcissement des relations entre les deux peuples fondateurs, dans les années qui précèderont la Commission Laurendeau-Dunton, fragilisait l'existence d'une fédération qu'ils proposaient de réformer. La contribution de Bonenfant au fédéralisme canadien procède d'une démarche intellectuelle voulant que l'histoire « nous aide à comprendre et à corriger le présent » (154). C'est précisément dans cette perspective qu'il examine les débats des Pères de la Confédération. Son interprétation soutient qu'à l'origine, l'AANB était compris comme un « traité » entre les deux peuples fondateurs. Les termes de ce pacte ont été fixés « à un moment où le bon État intervenait le moins possible » (255). Durant les décennies subséquentes, les deux ordres de gouvernement agiront dans des sphères dont les limites n'étaient pas circonscrites par la Constitution. Devant l'accaparement de nouveaux pouvoirs par Ottawa, les provinces, dont le Québec, ont revendiquer l'accroissement de leur autonomie politique. En l'absence d'un mécanisme d'amendement enchâssé dans la loi fondamentale, celles-ci ne disposent d'aucune institution leur permettant de réformer la Constitution, pour restreindre ou élargir la portée des actions du gouvernement central. La « vocation manquée du Sénat » les prive d'un autre levier leur permettant d'influencer la direction des affaires communes. Faute d'institutions propices à la participation des provinces à la politique fédérale, c'est à la Cour suprême qu'est revenu le rôle de trancher les litiges intergouvernementaux. Trouvant à sa disposition une Constitution écrite datée, cette dernière peut sentir l'obligation de la rédiger à nouveau, pour l'adapter aux circonstances nouvelles. Ce mode de résolution des différends pose toutefois un danger à la stabilité de l'État. Le gouvernement fédéral et les provinces, qui représentent les peuples et les régions du pays, défendent généralement des interprétations concurrentes de la Constitution. Au Québec, la Cour est perçue, à tort et à raison, tel un instrument servant un gouvernement fédéral dominé par la majorité anglophone. Une évolution constitutionnelle s'effectuant par décisions judiciaires risque ainsi de produire des règles qui, malgré leur légalité, souffriront d'un défaut de légitimité polit...