Depuis 2007, des messages sanitaires sur les publicités alimentaires incitent la population générale à « manger au moins cinq fruits et légumes par jour » ou à « éviter de grignoter entre les repas ». Ces bandeaux ont fait l’objet de contestations unanimes de la part d’acteurs politiques, industriels, médiatiques et d’experts. Pourtant, ils n’ont connu aucune évolution. Pourquoi et comment cet instrument contesté a-t‑il pu se maintenir sur le long terme ? Sur la base d’observations, d’entretiens et d’archives, nous montrons comment des acteurs de santé publique s’emploient à légitimer les bandeaux sanitaires. Ils sont un moyen de gagner, modestement, du terrain vis-à-vis des intérêts industriels, mais aussi de défendre l’expertise d’une agence sanitaire ainsi que l’information nutritionnelle comme instrument d’action publique.
Cet article porte sur l'étude de la conception d'un instrument d'information et d'éducation, les campagnes de communication en nutrition. Au nom de la santé publique, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) diffuse, depuis 2001 en France, des messages sanitaires qui incitent le grand public à respecter des principes de l'équilibre alimentaire (manger 5 fruits et légumes, réduire le sucre, le gras et le sel) et pratiquer une activité physique régulière. Les opérations par lesquelles les conduites alimentaires sont rendues gouvernables ne se font pourtant pas sans mal. Nous montrerons que les concepteurs de cet instrument doivent en effet concilier des logiques plurielles, voire contradictoires : être en accord avec les repères nutritionnels tout en évitant un affrontement direct avec le secteur privé, concilier l'expertise publicitaire avec des contraintes institutionnelles et des principes d'éducation pour la santé. Régler ces systèmes de compatibilité éclipse progressivement l'enjeu d'efficacité auprès de la population générale.
L’interdiction de la publicité est historiquement apparue en France comme un instrument d’action publique efficace pour lutter contre la consommation de tabac, d’alcool et plus récemment de produits jugés trop gras, trop sucrés ou trop salés. L’analyse sociohistorique des formes de réglementation met au jour d’autres logiques, politiques, cognitives et stratégiques, qui expliquent l’intérêt renouvelé pour une mesure essentiellement symbolique.
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