Être jeune c'est avoir la lutte pour le bonheur devant soi 1. » Le lyrisme du propos, chez Paul Vaillant-Couturier, est typique de l'exaltation que le parti communiste et ses dirigeants réservent à « la jeunesse ». De ce point de vue, les années 1930 représentent un tournant : les jeunes deviennent alors un enjeu pour les organisations politiques, qui consacrent à leurs branches cadettes une énergie renouvelée. « Les choses changent au cours des années 1930, plus précisément au cours des années 1933-1936 ; à compter de ce moment charnière, presque tous les partis, petits ou grands, se préoccupent de faire vivre des structures de ce type, à l'intérieur même de leur organisation ou dans leur mouvance directe 2. » Le fonctionnement de la Jeunesse communiste (JC) est particulièrement intéressant à cet égard ; il pose en effet la question des limites entre organisation politique et organisation de jeunes. En l'occurrence, la JC reprend à son compte un discours et une ligne politique définis par le PC. Comme l'organisation mère, la JC opère le fameux « virage à 180 degrés » qui marque l'histoire du parti entre le début des années 1930 et l'émergence du Front populaire. L'enjeu est d'autant plus crucial que d'autres organisations de jeunesse, confessionnelles et politiques, se développent alors à vive allure. La concurrence de ces mouvances et leur influence réciproque proposent une nouvelle image de cette catégorie d'âge. Dans ce contexte, la JC se structure à la fois pour répondre à une ligne politique changeante et assurer au communisme une influence sur la génération nouvelle, tout en faisant face aux organisations de jeunesse concurrentes. Les positions et propositions, par là même, s'assouplissent ; est-ce au prix d'une certaine dépolitisation de la Jeunesse communiste ? Et que devient dès lors la catégorie « jeunesse » elle-même, d'un point de vue politique et idéologique ? Forger de jeunes révolutionnaires Le rôle de la JC et son influence ne peuvent s'expliquer dans l'histoire du communisme français sans l'intérêt originel et proprement léniniste pour la jeunesse. De fait, Lénine a beaucoup réfléchi au rôle des jeunes dans l'activité révolutionnaire 1 Paul Vaillant-Couturier, « Le malheur d'être jeune », enquête parue dans l'Humanité du 10 février au 16 mars 1935. 2 Gilles Le Béguec, « Temps des crises, temps des remises en question, temps des organisations », dans Matériaux pour l'histoire de notre temps, n°74, mai-juin 2004, p. 3-6. Cécile Sanchez, « Pour conquérir les jeunes, faut-il faire moins de politique ? La Jeunesse communiste sous le Front populaire »,