La compensation écologique par l’offre, développée notamment aux États-Unis, vise à améliorer l’efficacité et l’efficience des mesures compensatoires imposées aux maîtres d’ouvrage tout en assurant une plus grande flexibilité dans le développement territorial. Ces « marchés d’unités de biodiversité » permettent aux promoteurs dont le projet risque de causer un dommage à la biodiversité de s’acquitter de leur obligation de compensation en achetant, auprès de gestionnaires de terres spécialisés, des titres correspondant à la réalisation anticipée d’actions bénéfiques pour la biodiversité sur des sites appelés « banques d’habitat », en proportion jugée équivalente aux atteintes causées. Au-delà du débat controversé sur la nature « marchande » de ces mécanismes, la question reste posée de savoir si les banques d’habitats permettent d’assurer effectivement l’absence de perte nette de biodiversité (no net loss) , soit l’objectif ultime de la compensation écologique. Nous nous sommes penchés sur le rôle de la régulation dans l’encadrement des facteurs qui conditionnent la performance écologique des marchés d’unités de biodiversité en prenant l’exemple du conservation banking aux États-Unis. Nous avons examiné les défis auxquels l’administration américaine est confrontée pour garantir l’efficacité des banques de conservation dans la préservation des espèces protégées dans le cadre de l’Endangered Species Act. Il ressort de l’étude que la tâche est particulièrement complexe, tant les facteurs écologiques à prendre en compte pour assurer le no net loss sont nombreux et les connaissances scientifiques lacunaires. L’analyse confirme l’importance d’un encadrement étroit de ce type de « marché » par une réglementation claire et précise, qu’elle soit unilatérale ou négociée, et par l’intervention d’une autorité de régulation indépendante et dotée de moyens de contrôle suffisants. Loin de l’image classique du marché, le banking nécessite, pour être à la fois efficace sur le plan biologique et viable économiquement, une intervention publique massive pour régler précisément l’étendue des exigences de compensation, le degré d’équivalence requis, les conditions de création des banques et de leur aire de service, la définition des crédits et le calcul des dommages à réparer, les modalités de protection et de gestion à long terme des banques ou encore l’intégration dans les plans d’aménagement du territoire. Mais la compensation, même si elle est rendue plus efficace et efficiente par un mécanisme de banking, restera toujours un pis-aller. Il faut éviter que le marché d’unités de biodiversité ne devienne une fin en soi pour faciliter et légitimer l’autorisation des projets et favoriser le développement. On ne peut l’envisager que comme un moyen parmi d’autres pour réaliser une compensation effective, lorsque celle-ci ne peut être évitée et que le caractère d’intérêt général supérieur du projet le justifie. À défaut, le risque est grand de sacrifier l’objectif du no net loss sur l’autel de la croissance socio-économique. Cela suppose non seulement une définition claire de la séquence éviter/réduire/compenser, mais aussi la restriction par le législateur des motifs d’octroi des autorisations. Il s’agit d’éviter au maximum les destructions plutôt que de compter sur la compensation et donc le déplacement des espèces et des habitats là où ils ne gênent pas pour assurer leur conservation. Une telle approche implique cependant d’accepter de considérer des solutions alternatives aux aménagements plus coûteuses, de prévoir une juste indemnisation des propriétaires dans certains cas et de mener une politique foncière ambitieuse pour pouvoir relocaliser les projets problématiques. C’est le véritable prix à payer pour préserver la biodiversité et les innombrables services qu’elle rend à la société.
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