Les salons artistiques de la Rose-Croix animés par Joséphin Péladan sont l’objet d’un nombreimportant de caricatures qui nourrissent de multiples entreprises de démystification associant les productions symbolistes à l’apologie de divers désordres érotiques, propices à un efféminement du masculin. L’émergence d’une rhétorique de la dégénérescence, largement alimentée par les traités de psychopathologie de l’époque, tend ainsi à cliver la différence des genres sexuels, tandis que les milieux symbolistes proposent d’autres modèles, basés sur le refus de la sexualité et sur un idéal « ariste ». De cette opposition naît la dénonciation de ces groupuscules d’obédience spiritualiste, dans l’amalgame entre le mystique, l’esthète et l’homosexuel, révélant au passage la peur masculine d’être soumis à la suggestion féminine.
La culture physique perpétue l’activité sportive de développement musculaire héritée de l’Antiquité et redécouverte à la fin du xixe siècle pour régénérer la santé morale et physique de l’homme. Les premières revues de culturisme valorisent la construction d’une virilité musclée, mise en scène dans les photographies dont les modèles imitent les poses des statues antiques et peu à peu exposée sur les plages de l’été. Avant la Seconde Guerre mondiale, avec l’émergence de revues francophones ouvertement homosexuelles comme Der Kreis, puis après-guerre, avec Futur et Juventus, s’opère un détournement homoérotique de l’imagerie sportive, dont il s’agit d’étudier les mécanismes de vision. Deux modèles de masculinité s’opposent : d’une part, l’apologie d’un corps juvénile, en osmose avec la nature helvétique et de l’autre, la création d’un stéréotype du culturisme américain, offert au regard du lectorat homosexuel. L’analyse attentive de ces constructions visuelles permet d’envisager l’homoérotisme sportif comme la contestation et le renouvellement des normes de masculinité, à travers la transformation du corps des hommes en objet de désir et de plaisir.
Les théories féministes appliquées aux études visuelles ont permis d’interroger le rôle des stéréotypes de genre, conçus comme catégorie de visualisation et de contrôle du corps des femmes à l’heure de la reproductibilité technique. C’est en suivant son évolution tout au long du xix e siècle, à travers la caricature et l’illustration de presse, qu’il s’agit d’interpréter l’assignation des femmes aux activités domestiques, la misogynie subie par celles qui s’en écartent, et la création de types et de contretypes dans les espaces de l’art. Face à la normalisation des comportements et des affects, les stéréotypes du peintre de bohème, de la femme artiste bas-bleu et de l’esthète homosexuel représentent autant de figures artistiques repoussantes et fascinantes à interroger. L’espace de vision devient un champ somatique de stigmatisation et de contestation politique des normes, qui façonne en retour les regards portés par la modernité.
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