Décélération et mémoire: Muriel, ou le temps d'un retour de Resnais et Cayrol (1963). En 1962, Alain Resnais réalise Muriel, ou le temps d'un retour sur un scénario de Jean Cayrol avec Delphine Seyrig (Hélène), Jean-Pierre Kerien (Alphonse), Jean-Baptiste Thierrée (Bernard) dans les rôles principaux. L'action se situe à Boulognesur-Mer, au début des années 60. Mais en 1960, en France, tout va vite, tout se bouscule. Et ce film montre des personnages qui ne peuvent pas suivre le rythme. Ils ont au contraire, besoin de ralentir pour revenir sur leur passé et notamment, comme l'indiquent les termes du synopsis, sur les 'catastrophes de l'histoire contemporaine (les bombardements de la Seconde Guerre mondiale et la guerre d'Algérie)'. Ce film propose en fait un ensemble de décélérations, à la fois filmiques, narratives et esthétiques et le problème va être ici d'étudier ces décélérations en analysant d'abord la façon dont un certain nombre d'altérations temporelles permettent d'ajouter du temps (du passé) au temps (le présent) avec des aller-et-retour entre différents temps : de 1960 à 1940, du quotidien d'une ville de province à la scène de torture en Algérie ou encore, puisqu'il s'agit du cinéma de Resnais, de Nuit et Brouillard et de Marienbad à Muriel. Une approche plus générale de la décélération mémorielle amènera ensuite à voir comment ce cinéma qui décélère se positionne par rapport au 'souvenir-image' de Bergson et à ses développements en 'nappes de passé' par Gilles Deleuze. Pour le dire autrement, il s'agira d'interroger la décélération dans ce film, comme ce qui conduit à transformer des images et des sons en 'images-temps', autonomes, capables de reconstituer des vestiges et de visualiser une mémoire. Tout cela permettra enfin peut-être, de voir ce que cette 'image-temps' nous dit d'un monde qui cultive le bonheur sans pouvoir cacher un profond malaise. Ou encore, ce qui rapproche ce cinéma décélérant, du 'drame gai' de Renoir et de La Règle du jeu avec des personnages vus comme des marionnettes: personnages que Resnais avoue vouloir toujours 'mettre dans des espèces de boîtes, comme au théâtre de Guignol-un Guignol tragique'. 1