Il est bien connu que les psychologues ont quitté en masse les départements de philosophie à la fi n du XIX e siècle et, comme le veut la légende, les philosophes ont claqué la porte derrière eux (Engel, 1996). Mais les psychologues ne sont pas partis les mains vides et, après quelques décennies de déni behavioriste, des concepts hérités de la tradition philosophique ont refait surface au début de la révolution cognitive; parmi eux, le concept même de «concept». Non pas que les psychologues cognitifs aient alors recommencé à travailler avec leurs collègues philosophes : depuis la séparation, les philosophes avaient eux-mêmes fait un bout de chemin, à certains égards incompatible avec le travail empirique des psychologues. Ce que les psychologues reprirent de la tradition, c'est plutôt l'idée que l'esprit, à comprendre maintenant comme un «système cognitif», contient une (et, implicitement, une seule) sorte d'entité, une espèce naturelle, servant à regrouper dans l'esprit, pour fi n de traitement ultérieur, les objets d'une même catégorie-dans DwC Machery nomme cette idée reprise de la tradition «l'hypothèse de l'espèce naturelle» (the natural kind hypothesis). Animés par cette hypothèse, les psychologues se donnèrent pour mission d'étudier les caractéristiques et le rôle de cette espèce naturelle au sein de la cognition : comment elle s'acquiert, quel type d'information elle contient, comment elle répond à des instances extrêmes d'une catégorie, comment elle est impliquée dans le raisonnement, la prise de décision, l'action, etc. Édouard Machery soutient que ce fut une erreur. Non pas qu'il n'existerait pas dans l'esprit une entité ayant pour fonction de regrouper les objets d'une même catégorie, mais bien qu'il n'y en n'aurait pas qu'une seule! Selon Machery,