Cet ouvrage, paru dans la jeune collection Sciences Religieuses des Presses de l'Université Laval, « s'attarde à présenter certains traits ou certaines formes de religiosités en les concevant comme des éléments de systèmes humains plus vastes » (3), et ce, par le biais de quatre essais. Deux s'avèrent des études de cas et présentent les résultats d'enquêtes. Les deux autres constituent des « travaux de réflexion » méthodologique et épistémologique. Les objectifs pédagogiques de l'auteur sont clairs, mais généraux. À n'en point douter, ce dernier s'adresse aux néophytes, puisque l'ensemble pourrait s'avérer un manuel dédié à un cours d'introduction à l'anthropologie religieuse. C'est évident dès l'ouverture, où les lieux communs, les références aux grands classiques (Evans-Pritchard, Durkheim, Bastide, Taylor et autres vieux bonzes) et les conceptions plutôt datées abondent. D'ailleurs, la présentation de la discipline dans le milieu académique est une citation de Lévi-Strauss qui remonte à 1958. Certes, il importe de connaître l'histoire de l'anthropologie, mais quelques mots sur sa contemporanéité auraient permis de montrer que les choses ont changé depuis son apparition dans les cercles universitaires. Or, sous la plume de Legault-Laberge, l'anthropologie est toujours une science d'hommes blancs qui observent des personnes dans des milieux « exotiques » et le religieux semble une affaire « mesurable ». Il faut dire que les définitions de la religion proviennent du droit et des statistiques, un choix légèrement problématique, mais assez représentatif de sa façon de travailler et/ou de voir le monde, soit en positiviste. Ainsi, les deux premières études prennent la forme de rapports ou de démonstrations, avec discussion finale, comme en psychologie et autres sciences appliquées. La sacro-sainte objectivité, souvent évoquée et manifestement valorisée, trône en reine dans les angles morts de l'auteur, et ce, malgré ses fréquentes remises en question. Ce biais, qui peut expliquer partiellement sa posture, n'en soulève pas moins maintes interrogations, surtout quand l'auteur affirme que plusieurs personnes sur un même terrain ne verront pas la même chose et que les expériences ne peuvent conséquemment pas être reproduites. Il appert qu'un soupçon de psychanalyse, de critique féministe ou matérialiste, de même qu'une sensibilité aux études postcoloniales aurait peut-être permis de tuer « les pères » et d'être davantage dans l'actualité, sinon dans l'innovation.