Sommaire : En 1963, le ministère de l'Agriculture du Québec mandate le Bureau d'aménagement de l'Est du Québec (BAEQ) afin de réaliser une expérience inédite : l'élaboration d'un plan directeur d'aménagement pour les territoires pilotes du Bas‐St‐Laurent, de la Gaspésie et des Îles‐de‐la‐Madeleine. Le BAEQ sollicitera la participation active des populations concernées afin d'étayer le rapport qu'il entend soumettre au gouvernement, pour atténuer l'écart socio‐économique qui sépare l'Est du Québec du reste de la «Belle province». Les travaux scientifiques portant sur le BAEQ auront été fort prolifiques jusqu'au milieu des années 1980. Depuis lors, la communauté scientifique boude cet objet de recherche, comme si un verdict irrévocable avait été rendu à son égard. Le BAEQ aurait été le plus retentissant échec de la Révolution tranquille, le prototype de la dérive technocratique, l'illustration de la faillite de la planification centralisée du développement. Une relecture du BAEQ nous permet pourtant d'apprécier comment cette expérimentation politique laisse en héritage des innovations sociales qui, au fils du temps, se sont institutionnalisées dans les méthodes de l'État. Vu sous cet angle, le BAEQ offre un nouveau visage : celui d'une étape cruciale dans l'histoire de l'administration publique québécoise, dont les retombées ont profondément transformé la logique du développement territorial au Québec.
Abstract : In 1963, the ministère de l'Agriculture du Québec directed the Eastern Quebec planning bureau (Bureau d'aménagement de l'Est du Québec – BAEQ) to accomplish an unprecedented task: to create a Master Development Plan for the pilot territories in the Lower St. Lawrence, Gaspé and Îles‐de‐la‐Madeleine regions. The plan was innovative in its preparation, through both the philosophy that shaped it and its methodology. In fact, the BAEQ appealed for the active participation of the communities directly affected to support the report it planned to submit to the government, to lessen the socio‐economic disparities between Eastern Quebec and the rest of “La Belle Province.” The BAEQ completed the project in June 1966, with the submission of a substantial report published in ten volumes and containing more than two hundred recommendations, including several proposals for a major reconfiguration of the political and economic framework in Eastern Quebec. The BAEQ was extremely prolific in its academic writings until the mid‐1980s. Since then, sociologists, anthropologists and political scientists seem to have turned a blind eye to this research subject, as if an irrevocable verdict had been rendered against it. The BAEQ seems to have been the biggest failure of the Quiet Revolution, the prototype of the technocratic drift, the illustration of the failure of centralized development planning, and the embodiment of the government's lack of responsiveness towards citizens' demands. And yet, when we re‐examine the BAEQ, we can now appreciate how this political experimentation left behind a legacy of social innovations tha...