Une approche holistique des questions environnementales met en lumière les limites atteintes
par l’utilisation des égouts pour éloigner les excrétats humains des espaces habités. Les mégapoles, en
particulier, sont aujourd’hui exposées à des enjeux aigus et encore méconnus. Dans un contexte de
changements globaux majeurs auxquels l’assainissement doit faire face, une si grande concentration de
population met le modèle classique de l’assainissement sous tension. À la saturation récurrente des
systèmes d’assainissement centralisés, s’ajoute une empreinte élevée en matière de dépense énergétique,
d’émissions de gaz à effet de serre et souvent de pollution des milieux aquatiques. Pourtant, ces excrétats,
gérés séparément, pourraient être utilisés comme matières fertilisantes : leur utilisation agricole permet de
sortir d’une logique de dépollution des excrétats et de créer un mutualisme entre territoires urbains et
agricoles, ces derniers bénéficiant alors de matières fertilisantes pérennes, locales et non fossiles. À partir
du cas de l’agglomération parisienne, nous proposons une analyse transversale des opportunités actuelles
de mise en oeuvre de filières de séparation à la source en contexte de grande concentration urbaine. Plus
spécifiquement, nous nous intéressons aux freins et leviers techniques, organisationnels, économiques, en
vue de la production de fertilisants à partir des excrétats humains et en particulier des urines, dans de bonnes
conditions sanitaires et agronomiques. Nous montrons l’accumulation d’éléments de démonstration quant
aux limites du système d’assainissement actuel et la nécessité d’un changement de paradigme. Persiste,
nonobstant, une difficulté à mettre en place des projets pilotes (freins politiques, socioculturels,
économiques, réglementaires et techniques, exacerbés dans le contexte d’une mégapole). Toutefois, une
dynamique récente s’observe, avec des projets qui émergent en marge de la fabrique urbaine. Un facteur clé
de leur réussite tient à leur adaptation aux différentes configurations territoriales. Portés par des individus et
collectifs aux trajectoires spécifiques, ceux-ci laissent entrevoir une capacité à inventer de nouveaux
dispositifs sociotechniques de gestion des excrétats humains.