Dans ce chapitre seront présentées les études portant sur les ensembles de mobilier recueillis dans la résidence proprement dite et ses abords immédiats, à l’exclusion des deux entrepôts, de la petite nécropole sud-ouest, du sanctuaire et des deux voies majeures. La céramique, déjà décrite pour chaque phase, ne sera pas de nouveau évoquée. D’autant qu’elle présente peu de particularités, hormis le nombre des décors estampés pour les phases 1 à 4 et des décors peints pour les phases 4 à 5.La majeure partie des restes était en position secondaire dans le comblement des excavations. L’ensemble a été enregistré en nombre de restes et en poids dans une base de données couplée à un SIG, ce qui a permis à chaque chercheur d’orienter son analyse. La résidence a livré 476 kg de tessons d’amphores soit au moins 422 récipients [fig. 174]. La répartition et l’aspect des cassures indiquent que l’on se trouve sur un site de consommation. Hormis quelques Pascual 1 en phase 6, toutes les amphores sont de type gréco-italique. Les plus anciennes relèvent de la phase 4 [fig. 175]. Les Dr. 1B sont presque absentes, comme généralement dans cette région [fig. 176-177]. Si le cas de Paule est habituel par la typologie des amphores, leur quantité est exceptionnelle dans l’Ouest de la France [fig. 178] ; elle résulte sans doute de la capacité des occupants du site à acquérir un breuvage onéreux, dans une zone éloignée des lieux de production. En effet, le vin provenait d’Italie (de la côte tyrrhénienne et non d’Étrurie). Il transitait sans doute par la route commerciale Aude-Garonne et la côte atlantique (Olmer 2003 : 209-221).Dans l’ensemble, le mobilier métallique est celui d’une communauté domestique qui cherche à afficher son statut social. Les 446 objets étudiés sont répartis de façon inégale dans les différentes phases de l’occupation [fig. 179]. Ils ont été classés en neuf catégories, fonctionnelles et non typologiques [fig. 180], selon le modèle établi par Guillaumet (2003) et Orengo (2003) : la Quincaillerie qui compte des clés, des lève-loquet, un crampon, des pitons… [fig. 181], les Clous qui sont pour moitié destinés à la menuiserie [fig. 182-183], ce qui est inhabituel et souligne la spécificité des sites protégés par un système remparé, l’Outillage artisanal [fig. 184], l’Outillage agropastoral [fig. 185], les Objets domestiques avec notamment trois récipients de type italique tardo-républicain qui attestent l’utilisation sur le site d’une vaisselle de banquet importée [fig. 186], les Objets personnels avec les fibules, dont une de type Cenisola, les objets de toilette [fig. 187] et une rouelle, pendentif ou objet cultuel [fig. 188], l’Armement [fig. 189], et enfin les Inclassables ou a été placé tout ce qui ne pouvait être attribué ou dont l’usage pouvait être multiple [fig. 190] ainsi que les pièces informes [fig. 191].114 kg de déchets produits par le travail du fer ont été recueillis, épars pour les périodes 1 à 4, regroupés dans la forge pour la phase 5. Ils ont été classés en cinq types : les battitures, les scories en culot, les scories informes, les parois scorifiées et les fragments. Une estimation du nombre de pièces entières a pu être proposée [tabl. iv]. 2 kg sont des scories de réduction en position résiduelle, dont une plaque quasi-complète [fig. 192]. Les fragments de parois scorifiées représentent 35 % de la masse du corpus ; et les bords présents dans et autour de la forge permettent d’établir que les foyers étaient à bords rentrants [fig. 193]. Un morceau de bloc tuyère [fig. 194] et quelques moulages d’orifices attestent de la ventilation de ces foyers. Trois culots ont été analysés à l’échelle microscopique. Le premier [fig. 195] s’est formé pendant la fabrication d’objets, le travail pouvant s’achever par une phase de soudure. Le deuxième [fig. 196] atteste aussi de la fabrication d’objets, mais au moins partiellement en acier, avec un travail en deux étapes, une première mise en forme étant suivie d’une finalisation par ajout de sable.Le troisième [fig. 197] se rapporte probablement aux étapes finales de la mise en forme d’un ou plusieurs objets massifs. On peut donc établir qu’il se pratiquait dans la résidence, et ce depuis la phase 1 [fig. 198], une activité de forgeage centrée sur la fabrication d’objets volumineux. L’ajout de silice en fin de travail semble avoir été une pratique courante. Une vingtaine de petits creusets en terre blanche a été mise au jour sur le site, dont certains sont bien conservés [fig. 199]. L’analyse pétrographique a montré que leur pâte contenait un dégraissant qui n’était pas du sable mais du gravier siliceux concassé.Deux pièces céramiques presque entières sont sans équivalents pour la période en Bretagne [fig. 200 : 1-2 ; fig. 201]. Il s’agirait de fours portatifs destinés à accueillir des creusets pour fondre des bronzes (cuivre-étain ou cuivre-étain-plomb) ou des alliages d’or ou d’argent, dont la température de coulée est située entre 1 000 et 1 100 °C. Un objet original [fig. 200 : 3] qui n’est pas un moule de fonderie car c’est un positif, est sans doute un modèle, première étape d’une fabrication par moulage. Il était destiné à produire un objet très ornementé. Pour ce qui est de la répartition chronologique, l’activité de fonderie des alliages cuivreux paraît avoir été régulière et se développe dès la phase intiale [fig. 202].Le site de Paule se situe en zone aurifère. Il n’est donc pas étonnant d’y trouver les traces d’une métallurgie de l’or. Celle-ci n’apparaît cependant qu’à la phase 4 [fig. 203].Les creusets utilisés pour cette activité sont des morceaux d’écuelles ou de jattes pris tels quels [fig. 204] ou des coupelles à bords rentrants [fig. 205]. Des globules d’or sont encore incrustés dans la vitrification [fig. 206].Pour savoir si ces récipients avaient été utilisés pour obtenir l’or par agglomération de paillettes, trois fragments d’écuelles et un fragment de coupelle ont fait l’objet d’une micro-analyse X [tabl. v] qui a révélé la présence d’un or très pur, d’argent mêlé d’un peu de cuivre et d’oxydes de fer, ce qui évoque en effet l’or alluvionnaire. L’hypothèse de la ventilation par le haut a été validée [fig. 207b], ainsi que le rôle purificateur de la céramique pour le fer ou le titane. Un seul objet en or a été découvert dans la résidence : un pendant de collier ou de boucle d’oreille [fig. 208], sans équivalent en Gaule. Le bijou et quatre globules retrouvés dans deux des creusets d’orfèvre ont été analysés par spectrométrie. Leur signature chimique est différente [tabl. vi] : l’or chargé en platine de la pendeloque est une importation d’Asie mineure, à moins que ce ne soit l’objet fini qui ait été importé.Hormis un as d’Auguste du type 1 à l’autel de Lyon, aucune monnaie n’a été retrouvée dans la résidence. La rareté des monnaies gauloises sur les sites d’habitat de l’âge du Fer en Bretagne est une constatation récurrente. On peut légitimement invoquer, jusqu’à la Conquête, un usage particulier de la monnaie, qui aurait été peu utilisée pour les échanges du quotidien et réservée aux paiements importants. On peut, de ce fait, émettre l’hypothèse d’une monétarisation de la vie économique moindre ou plus tardive que dans le reste de la Celtique. Cette préférence pour l’accumulation votive ou pour la thésaurisation s’incarne dans les nombreux dépôts monétaires répertoriés dans la région. La résidence, malgré sa grande superficie, n’a livré qu’un bracelet en verre brun et trois fragments de verre incolore [fig. 209-210]. Deux de ces fragments et le bracelet sont des verres au natron, largement produits par l’Égypte et la zone syro-palestinienne, et importés sous forme de produits finis ou de lingots dans toute l’Europe occidentale dès le iiie s. av. J.-C.Les 19 objets en lignite, terme générique employé pour toutes les roches noires d’origine organique, constituent l’ensemble le plus important mis au jour en Bretagne sur un habitat du second âge du Fer [fig. 211]. Tous sont des bracelets [fig. 212], hormis une perle et un vase mouluré. Trente fusaïoles et un peson, objets communs sur les habitats, ont été retrouvés [fig. 213].Un outillage en pierre abondant a été identifié. Il a été classé en trois familles, au premier rang desquelles on trouve les outils de mouture, certains rotatifs [fig. 214, 218-221], d’autres à va-et-vient [fig. 215-216]. L’analyse tracéologique a montré que certaines meules à va-et-vient [fig. 217] et cinq des 13 meules rotatives [fig. 222] avaient servi au broyage de matières minérales dures. S’agit-il de minerai ? L’hypothèse trouve écho dans la fonte de l’or sur le site et la présence de mines à proximité. Parmi les outils pour le travail et l’entretien du métal on note : cinq rares enclumes en gabbro, roche dont un gisement est connu à Lamballe et qui possède d’excellentes qualités de résistance mécanique et thermique [fig. 223-225] ; un moule de métallurgiste [fig. 226] ; onze percuteurs ; des instruments d’affûtage [fig. 227] dont des aiguisoirs [fig. 228] à l’usure reconnaissable [fig. 229 ; fig. 230 : 1-2] ; des plaques à affûter [fig. 230 : 10-12] et La troisième famille d’objets en pierre est celle des palets de schiste, plus ou moins circulaires, au nombre de 100. Quarante-et-un sont perforés [fig. 231-232], avec des bords émoussés en différents points par le contact avec une matière souple [fig. 233]. Leur perforation centrale est réalisée par percussion lancée [fig. 234]. Parfois la perforation est lustrée par un frottement prolongé, visible aussi sur les faces [fig. 235c] ; parfois elle est en U, une déformation produite par un lien [fig. 236a] ; ou bien la déformation est polylobée, signe du changement d’orientation de la pièce suspendue [fig. 235b]. Chaque disque peut porter jusqu’à cinq encoches, opposées diamétralement ou sur le même côté [fig. 236b]. Il pourrait s’agir de pesons de métier à tisser [fig. 237]. On dénombre en outre 59 palets non perforés [fig. 238-239]. Certains portent des traces de piquetage ou des stries, et paraissent être des ébauches [fig. 240], d’autres portent des encoches d’utilisation sur leur pourtour. Pour ceux-là on peut imaginer un système de suspension [fig. 241]. S’agit-il de lests pour les filets ou les tentures ? On été trouvés également une tablette de tressage [fig. 242], des poids [fig. 243], des molettes de friction pour la préparation des peaux et fibres végétales [fig. 244], des lissoirs à céramique [fig. 245-246] et cinq galets qui pourraient être des balles de fronde [fig. 247]. Parmi les 27 pièces indéterminées, on signalera 13 blocs d’andalousite, une roche connue pour ses qualités réfractaires.Ainsi, outre l’activité de broyage pour la transformation du minerai, l’étude des objets en pierre a révélé –par le nombre des instruments servant à les affûter– l’abondance des outils métalliques utilisés sur le site et, si les palets de schiste sont bien des pesons, une belle activité de tissage [fig. 248].L’étude des quatre bustes retrouvés dans les comblements du ier s. av. J.-C. [fig. 249] a déjà été publiée (Menez 1999). Nous ne la représenterons pas mais nous en proposons l’actualisation. Les bustes sont fabriqués dans une seule et même roche, la métahornblendite, avec des techniques identiques [fig. 250]. Leurs proportions également, sont comparables [fig. 251-252]. Aucun ne se distingue des trois autres, à l’exception du premier qui porte un torque et un cordophone [fig. 253]. Leur unité stylistique et la roche rare dont ils sont faits incitent à y voir un ensemble. Neuf autres sculptures retrouvées en Bretagne présentent les mêmes caractéristiques [fig. 254]. En Gaule, le « buste sur socle enterré » apparaît comme un type statuaire des iie et ier s. av. J.-C. dont la répartition suit un axe sud-est-nord-ouest depuis le Midi jusqu’à la Bretagne [fig. 255]. Le parallèle avec les pratiques bien connues de l’Italie républicaine incitent à reconnaître dans les bustes de Paule les ancêtres héroïsés des propriétaires de la résidence. Notons que les quatre hommes ainsi représentés possèdent une coiffure en bandeau qui pourrait être la schématisation d’un diadème comme on en voit à Entremont [fig. 256] ou à Cabecico del Tesoro, en Espagne (Arcelin 2004 : 108). L’absence d’altérations dues au ruissellement suggère que cet ensemble statuaire était protégé. Il ne devait donc pas être placé à l’air libre mais plutôt dans un sanctuaire familial.Au fond du puits no 1, dans la cour de la résidence, gisaient 79 pièces de bois [fig. 257-258]. La première est un très inhabituel seau monoxyle à fond encastré [fig. 259, 261-262]. Ses oreillons jumelés [fig. 263] portent les traces d’une usure produite par une matière organique de faible diamètre (0,8 cm), corde ou lanière de cuir [fig. 260]. Les objets les plus ressemblants sont ceux de Glastonbury, en Angleterre [fig. 264]. Le déport du centre de gravité du seau de Paule, produit par le décentrage de ses oreilles, servait peut-être à garantir une légère inclinaison pour faciliter son remplissage [fig. 265]. Six chevilles ont également été mises au jour [tabl. vii ; fig. 266-267], dont l’une est encore assemblée avec l’une des 19 « baguettes » percées [fig. 268]. Ces « baguettes », toutes de taille différente [tabl. viii], sont soit appointées, soit percées aux deux extrémités [fig. 269-270]. Six barres et une planche perforées [fig. 271 ; tabl. ix], huit planches simples [fig. 272 ; tabl. x] dont deux sont mortaisées [fig. 273-274], des tasseaux, une poutres ou poteau [fig. 275 ; tabl. xi] et 12 petites pièces [fig. 276 ; tabl. xii] complètent cet inventaire.Pour ce qui est des baguettes, des planches perforées et des chevilles, l’unicité de leur morphologie, du bois (le chêne) dont elles sont faites et de leur usure donne à penser qu’elles se rattachent à un objet mécanique. Les autres pièces pourraient provenir d’une construction abritant la machine. Des éléments comparables ont été découverts dans le puits, profond de 20 m, de Fellbach / Schmiden en Allemagne [fig. 277]. L’hypothèse actuelle est qu’il s’agirait d’un treuil à tambour [fig. 278]. Les flancs du tambour seraient constitués de planches fixées sur des rayons par des chevilles, et les barres perforées serviraient à renforcer l’assemblage. Une roue beaucoup plus tardive dotée de tels renforts chevillés existe au château de Logne [fig. 279]. On note cependant que certaines « baguettes » présentent des traces d’usure en rotation [fig. 280] qui évoquent un assemblage articulé. Le plus vraisemblable est que le treuil était actionné par un mécanisme à bielle [fig. 281-282]. La poulie n’a pas été retrouvée mais on en connaît sur d’autres sites de la même période [fig. 283]. Si l’interprétation que nous proposons était confirmée, les bois de Paule constitueraient l’exemple exceptionnel d’une machine gauloise, qui pourrait avoir été inventée pour l’exploitation des mines toutes proches.La présentation du mobilier de Paule s’achève par celle de l’assemblage archéozoologique [tabl. xiii]. Du fait de l’acidité des terres bretonnes, les os calcinés sont quasiment les seuls conservés. Le bœuf y est nettement majoritaire (78 %). Suivent loin derrière les caprinés (19 %) et le porc (2,4 %). Cet écart ne peut pas être lié uniquement aux conditions de leur préservation et de leur conservation, puisque les os appartenant à ces deux taxons sont de même taille et de même résistance. Il semble traduire de réels choix d’élevage que l’on peut par ailleurs observer sur d’autres sites du second âge du Fer en Basse-Normandie et en Bretagne (Baudry 2018 : 145-146, 163).In this chapter, we present the studies of the artifact assemblages excavated in the residence itself and in its immediate vicinity, excluding the two storehouses, the small southwest necropolis, the sanctuary, and the two major roads. The pottery, already described for each phase, will not be presented again here, especially since it displays few distinct traits other than the quantity of stamped decorations in phases 1 to 4, and painted decorations in phases 4 to 5.
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