La vie entre rue et assistance impose aux personnes à la rue un certain nombre d’épreuves spécifiques qui les oblige à lutter contre la dégradation de leurs situations d’existence et la menace identitaire qu’elles comportent. Ainsi, l’errance exacerbe les questions de l’identité, de la mémoire et de la projection. Dans cette perspective, nous interrogeons la manière dont les pratiques numériques interviennent comme supports pratiques et symboliques dans la lutte pour le maintien de soi. Cette lutte s’inscrit à la fois dans le quotidien de l’errance et dans le temps plus long de la biographie sur lequel nous nous centrons dans le cadre de cet article. Ainsi, nous montrons comment les pratiques numériques peuvent soutenir la recherche de continuité et de cohérence biographiques dans les temporalités passée, présente et future en permettant de conserver la mémoire et de faire lien avec le passé, de déposer des traces de son existence, de se raconter et d’expérimenter ses identités plurielles. Dans ce cadre, nous interrogeons également le rôle des institutions éducatives et sociales.
Les activités, les pratiques culturelles, communicationnelles et d’information ainsi que le rapport au monde des jeunes sont aujourd’hui intimement liés aux outils numériques, y compris dans les franges les plus marginalisées de la population juvénile. À partir d’une enquête mêlant ethnographie de terrain et ethnographie des espaces numériques, nous proposons dans le cadre de cet article une analyse des références à la rue dans les expressions numériques des jeunes sans domicile, qui sont en effet, nombreux à faire usage des réseaux socionumériques. Dans leurs publications, les références à la rue comme espace de vie, espace de pratiques, espace imaginaire et milieu d’interconnaissance sont plurielles et dévoilent des expériences individuelles et collectives.
La vie à la rue impose aux personnes un certain nombre d’épreuves spécifiques qui fragilisent les individus toujours contraints de lutter contre la déprise. Elle exacerbe les questions de l’identité, de la mémoire et de la projection. Dans cette perspective, les pratiques numériques peuvent être analysées comme des techniques de soi contribuant à la lutte pour le maintien de soi. Constituant une entrée pour l’observation et l’analyse des pratiques de biographisation, les pratiques et expressions numériques permettent de transformer le rapport à soi et au monde, notamment à travers des pratiques de micro-récits de soi. Mais ces micro-récits ne servent pas toujours un récit cohérent permettant d’agir et de se projeter.
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