Résumé Le Moyen-Orient est considéré encore aujourd’hui comme un espace dépourvu de traditions parlementaires propres. Il s’agit de restituer les expériences d’assemblées pour montrer comment cette région du monde n’est pas exceptionnelle, mais plutôt exemplaire d’évolutions mondiales. À la fin du XIX e siècle, l’espace politique se structure alors autour d’aspirations constitutionnalistes qui deviennent les mots d’ordre des révolutions perses et jeunes turcs. Une première grammaire du politique se forme. La Première Guerre mondiale modifie durablement ce premier système. Elle permet l’aboutissement du mouvement constitutionnaliste mais aussi occasionne sa disparition. À l’image de l’Europe, le parlementarisme libéral ne semble guère défendu au cours de l’entre-deux-guerres, bien qu’il soit établi. La victoire des Alliés en 1945 favorise le renouveau d’un certain libéralisme au Moyen-Orient. Les États désormais indépendants de toute tutelle étrangère construisent des parlements qui affirment leur centralité sur la scène politique avant de péricliter au début des années 1960.
Au cours de l’année 1954, l’Irak et la Syrie connaissent toutes deux des élections législatives, saluées pour le climat de liberté, auxquelles de nombreuses composantes politiques adverses participent. Pour la première fois, campagnes électorales et scrutins se déroulent selon les règles du pluralisme. Pour comprendre ces élections, il est nécessaire de restituer un « moment » électoral. Plutôt que de limiter l’analyse à un décompte des participations et des scores obtenus, ces deux élections sont l’occasion de rendre compte de l’institutionnalisation et de l’acquisition progressives de pratiques spécifiques à l’égard du vote depuis la fin de l’empire Ottoman. En outre, le contexte de ces deux scrutins démontre une demande d’élections, dans le sens où, de manière convergente, les différents protagonistes politiques, ministres, membres de l’exécutif, parlementaires, groupes d’opposition, réclament la tenue d’élection perçue comme le moyen de départager des forces concurrentes. Enfin, après le décompte des résultats, le sens du scrutin se construit dans la concurrence des différentes forces en présence, modifiant, de manière plus ou moins importante, les conséquences électorales. Obtenir la majorité des voix ne signifie pas remporter l’élection. Il est nécessaire de construire une victoire dans les institutions.
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