Si les démarches dites de qualité de vie au travail (QVT), selon leur dénomination politique, sont décrites comme recherchant l’alliance entre les performances économiques et les performances sociales, elles suscitent encore nombre de réserves. En effet, pour que la QVT ne soit pas qu’un « glissement lexical » de plus dans le champ de la santé psychique au travail (Clot, 2019), il est nécessaire de se poser sérieusement la question des méthodologies à construire afin qu’elle réponde « aux problématiques socio-organisationnelles qui naissent de la vie de l’entreprise […] et non qu’elle vienne en surplomb constituer un énième projet à ajouter […] » (Levet, 2013, p. 104). Dans cette perspective, l’objectif de cet article est de présenter une méthodologie reposant sur des innovations organisationnelles générées à partir d’activités transitionnelles sources de créativité et de santé (Lhuilier & Roche, 2009 ; West & Far, 1990 ; Winnicott, 1999/1948). Ce dispositif, dit d’innovation transitionnelle, vise ainsi particulièrement à dépasser la difficulté à aller du diagnostic à la transformation durable et à accompagner les acteurs dans les épreuves à traverser. Il a été expérimenté pour la première fois dans un service de santé au travail qui devait intervenir au sein d’un institut de formation supérieur aux prises avec d’importants troubles psychosociaux. L’analyse de ses résultats a permis d’observer des transformations de l’organisation et des situations de travail et leur durabilité un an après la clôture du dispositif.
Cet article s’attache à montrer en quoi et comment les enjeux politiques et sociaux, qui traversent la profession de psychologue depuis toujours, se réactualisent dans le champ de la santé au travail. Il explicite comment ils viennent perturber l’activité des psychologues qui tend à prendre soin du travail et qui vise des changements significatifs dans le monde réel. Les auteures engagent la discussion sur la notion de santé mentale comme rouage de la productivité et sur les effets de développement ou de neutralisation de l’activité pluridisciplinaire selon les modalités de gestion ou de gouvernance des services de santé au travail. Face à la possible répétition du piège de la psychotechnique, confrontée à la sélection et l’adaptation des personnes au travail, construire des cadres pluridisciplinaires dialogiques et de connaissances sur les visées et pratiques en santé au travail apparait central.
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