ATER, École des Hautes Études en Sciences Sociales « Les places publiques, les bâtiments officiels, les tribunaux, les clubs, les assemblées composées de foules grouillantes […] conviennent aux hommes […]. Au sexe faible, au contraire, conviennent la vie domestique et l'assiduité au foyer : les jeunes filles, à l'abri de la clôture intérieure, ont pour frontière la porte du gynécée ; les femmes, elles, ont pour frontière la porte extérieure. C'est qu'il existe deux sortes de sociétés, les grandes et les petites : les grandes sont appelées des "villes" et les petites des "familles". L'administration de ces deux catégories de sociétés a fait l'objet d'un partage : les hommes ont reçu la direction des grandes unités-c'est la "politique"-tandis que les femmes ont reçu celle des petites-c'est le "ménage" 2 .» Cette sentence en apparence sans appel du philosophe hellène Philon d'Alexandrie (alias le Juif), datée du I er siècle de l'ère chrétienne, exprime déjà la théorie des deux sphères (public/privé, masculin/féminin) et reflète encore la position de la femme dans l'Europe moderne 3. Mineure dans l'espace public, elle reste d'ordinaire cantonnée au foyer, aux activités domestiques et à l'éducation première des enfants. Pourtant, il est des femmes qui, à la faveur d'un singulier déplacement du centre de gravité de la sociabilité du groupe, se sont vues chargées d'une fonctionnalité nouvelle. Il s'agit des cryptojudaïsantes, c'est-à-dire les chrétiennes qui, dans les terres où sévit l'Inquisition-les pays ibériques et leurs colonies en particulier-, 1. Je tiens ici à remercier Silvia Sigal et Claire Fredj pour leurs lectures attentives et la pertinence de leurs remarques. 2. PHILON D'ALEXANDRIE,
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