Résumé Si le remplacement du paradigme de développement par celui de pauvreté permet de lever une partie des ambiguïtés liées à la notion même de développement, il a conduit sur le plan opérationnel à une conception très réductrice de la pauvreté qui occulte la complexité et le caractère multidimensionnel que lui reconnaît pourtant la théorie. Il a également conduit à une instrumentalisation de l’éducation au service de la lutte contre la pauvreté qui semble oublier que la relation est à double sens. La pauvreté reste pourtant, par ses effets à la fois sur l’offre et la demande d’éducation, un obstacle souvent insurmontable à l’accès à l’éducation des plus pauvres.
* Économiste, chargée de recherche à lïRD (institut de recherche pour le développement UMR 196). ** Sociologue, directrice de recherche à l'IRD (Institut de recherche pour le développement UMR 196).
Au moment des indépendances, l'éducation s'est vu accorder une forte priorité par les États d'Afrique 1 parce qu'elle était considérée comme un investissement permettant de favoriser le développement économique. Cette idée fait désormais l'objet d'un consensus international. Dans sa formulation la plus restrictive et mécaniste, le taux de croissance de la production dépend de celui de la scolarisation (Appleton 2000). Dans sa formulation la plus large, l'éducation fait partie du développement humain, condition nécessaire de la mise en oeuvre du développement durable et de l'éradication de la pauvreté (World Bank & IMF 2002). Malgré des efforts importants depuis les années 1960, les progrès insuffisants de la scolarisation, mesurés par les taux de scolarisation, les taux de survie dans les différentes classes des différents cycles, en particulier le primaire, ou par les écarts entre garçons et filles en matière de scolarisation ont amené la plupart des pays du monde à affirmer ou réaffirmer leur engagement pour le développement de « l'Éducation pour tous » (EPT) à la conférence de Jomtien en 1990. Il s'agissait essentiellement de mettre l'accent sur l'enseignement de base (primaire et premier cycle du secondaire) pour assurer sa progression vers une généralisation au cours des dix années qui suivaient la conférence. Cet engagement fort intervient cependant à un moment où la conjoncture économique est très défavorable. Depuis le milieu des années 1980, la croissance économique est faible et les prix des produits exportés par les pays d'Afrique chutent. La crise est aggravée par l'ajustement structurel qui contraint les États, sous pression extérieure, à réduire leurs dépenses publiques, en particulier celles qui concernent les personnels de l'État. L'éducation et la santé sont très touchées par ces restrictions budgétaires, dans un contexte d'appauvrissement des populations et donc aussi de réduction des dépenses privées. La crise se poursuit jusqu'à la fin des années 1990, et force est de constater, au seuil du nouveau millénaire, que la plupart des gouvernements n'ont pas été en mesure de respecter les engagements pris à Jomtien. Si la scolarisation a progressé dans de nombreux 1. Conférence d'Addis Abeba, 1961.
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