Résumé
Le paysage sociopolitique du Cameroun actuel s’avère lié aux manœuvres instituées par la Conférence internationale de Berlin (1884–1885). La présente étude a pour objet de contribuer à la mise en perspective des trajectoires du « brouillage identitaire » que l’on présente souvent, à raison ou à tort, comme un repère de l’inapplicabilité du droit international des minorités et autochtones au Cameroun. On découvre, d’une part, que l’Acte de Berlin a consisté en une modification profonde de la civilité des peuples du Cameroun par la légitimation de certaines pratiques non conventionnelles telles que l’expropriation et la déportation. Ces dernières, au moyen de la déterritorialisation des groupes, a participé à leur déracinement et à l’aliénation de leur identité de natif. D’autre part, malgré une timide prise de conscience, les autorités publiques nationales du Cameroun indépendant n’ont pas su (ou n’ont pas voulu) réparer les injustices subies. L’affirmation du droit moderne au détriment du système coutumier semble avoir contribué à prolonger la politique de déconstruction identitaire entamée à l’époque coloniale. Somme toute, la question foncière au Cameroun peut être considérée comme le ferment de l’impératif de la prise en charge des minorités et notamment des peuples autochtones, et non le contraire.
Les contrats passés entre les indigènes et les Européens ont produit des effets juridiques. Une question suit cette conclusion : dans quelle catégorie de droit pourrait-on ranger de tels contrats ? Le Traité germano-douala signé le 12 juillet 1884 entre deux firmes commerciales allemandes et deux chefs indigènes de la côte camerounaise entretient cette curiosité. Le moins qu’on puisse dire est qu’il sert de pendant au droit international public et au droit constitutionnel camerounais. Pour une part, il établit la qualité de sujets de droit international des acteurs sus-désignés à partir de la corrélation entre la « capacité d’agir et la personnalité internationale ». En cela, il permet de repenser la question des peuples autochtones proclamée dans l’ordre constitutionnel camerounais en 1996. D’autre part, le Traité de 1884 met en perspective les notions de souveraineté et de territoire qui ont été mobilisées par la légalité coloniale, durant l’administration internationale du pays et ensuite par le droit constitutionnel de la décolonisation. Ce double aspect subjectif et objectif décline les rapports de force qui ont présidé la formation des contrats dans l’ordre juridique intemporel et qui, partant de notre objet de recherche, présente le droit international relationnel comme redevable à l’éthique égalitaire qu’il est pourtant censé promouvoir.
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