Nous nous proposons ici de participer à l’appréhension du concept complexe d’espace d’interaction numérique sous l’angle de la « scène » pour filer la métaphore théâtrale de Goffman (1973) – l’interaction comme représentation – et reprendre le concept de scène d’énonciation de Maingueneau (1998). À partir d’un corpus de séquences d’ouvertures d’interactions vidéos, nous analysons par quels moyens les interactants aménagent une scénographie commune se joignant en un « mi-lieu », point de contact entre les multiples scènes d’énonciation impliquées dans l’interaction. L’énaction de la scénographie apparaît subordonnée aux affordances et produites à partir des ressources disponibles – composants de décor et émissions voco-posturo-mimo-gestuelles tant physiques que numériques. Ces ressources sont rendues accountable au moyen d’activités multimodales – techniques, discursives, corporelles. La structure interactionnelle des séquences (sous-séquences successives d’entrée en interaction) et des échanges (recours aux échanges insérés attestant l’engagement des interactants) révèle la collaboration entre des individus géographiquement distants qui œuvrent à se rendre présents l’un à l’autre.
Les technologies numériques ont engendré une révolution culturelle et cognitive modifiant le rapport de l’homme à son environnement, à son prochain et à lui-même. En effet, les sujets se trouvent, à l’apparition de chaque nouvelle technologie de l’information et de la communication, impliqués dans des environnements technoperceptifs inédits (Vial, 2013). Et l’ère numérique introduit de nouvelles formes de connaissance et de communication qui ne renvoient plus à une pensée linéaire à l’espace et au temps délimités mais constituent un réseau. Il y a alors reconfiguration de la perception et de la représentation du et par le corps dans son écologie réticulaire. Les nouvelles modalités d’agentivité (Butler, 2002) issue de la médiation de la tekhnê de plus en plus intelligente, immersive et engagée dans l’interaction sociale introduisent un risque de confusion entre le Soi et l’Autre. Entre le locuteur, l’artefact et l’interlocuteur se pose alors la question de l’attribution du geste interactionnel de son émission à sa perception au cours d’interactions par écran. Sont donc ici analysées des interactions vidéo par écrans – fixes (ordinateurs) et mobiles (robots de téléprésence) – au cours desquelles la multimodalité interactionnelle se trouve complexifiée par l’agentivité distribuée et donne lieu à une transsubjectivité du geste communicatif.
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