Cet article expose les résultats d’une étude consacrée aux impacts socioéconomiques locaux des flux du travail migrant temporaire au Canada sur la structure de l’emploi, le rapport salarial et la précarisation du travail. À l’échelle internationale, le phénomène migratoire a laissé progressivement place à celui de la mobilité temporaire, notamment à la faveur de la financiarisation de l’économie et de l’externalisation croissante des activités industrielles et de service des entreprises. S’agit-il d’un infléchissement ou d’un véritable « changement de paradigme dans la gestion des flux migratoires » ? Au Canada, cette transition, accentuée par la mise en place et l’expansion de programmes de travailleurs étrangers temporaires, soulève plusieurs interrogations. Quels liens établir entre cette expansion et la précarisation progressive de l’emploi dans les secteurs d’activité affectés par ces flux ? Dans quelle mesure ces programmes, conçus pour gérer localement les flux du travail migrant temporaire, mais qui s’inscrivent dans une dynamique transnationale, redéfinissent-ils certaines figures de la division internationale du travail ? Les réponses proposées ici sont exposées en quatre parties. La première dresse un portrait de ces programmes et de leur fonction. La deuxième livre une synthèse critique des problématiques du travail migrant temporaire dans l’analyse sociologique en se focalisant sur l’articulation dialectique entre les flux migratoires liés à l’immigration et ceux induits par la mobilité. La troisième partie examine les retombées de ce phénomène en matière de structure de l’emploi, de rapport salarial et de droits sociaux du travail. La dernière partie se focalise sur la dialectique locale/globale induite par ces flux et sur leurs impacts dans la division internationale du travail dont ils tendent à constituer une nouvelle figure. La conclusion revient sur les implications de ce phénomène sur les rapports sociaux du travail en matière d’inégalités sociales (rapports de classe, de genre et rapports ethnoculturels) ainsi que sur les interrogations politiques qu’il soulève concernant l’ambivalence du rôle de l’État dans l’encadrement institutionnel des flux du travail migrant temporaire.
Deux niveaux d'analyse sont privilégiés. Le premier niveau, macrosociologique, examine les effets des dispositifs juridiques et administratifs du travail migrant temporaire mis en oeuvre, d'abord par l'État fédéral à travers son PTET et sa récente actualisation, en 2014, par le biais de la Réforme globale du PTET (Emploi et développement social Canada -EDSC, 2014), puis au niveau provincial à travers l'initiative législative du Québec, la Loi n º 8, dite « Loi modifiant le Code du travail à l'égard de certains salariés d'exploitations agricoles », adoptée en 2014. Le deuxième niveau, mésosociologique, est celui des entreprises en tant qu'espaces du travail juridiquement autonomes en matière de relations d'emploi, et économiquement insérés dans des chaînes de valeur et dans un marché de l'emploi subordonné à l'offre et à la demande, mais où s'observe malgré tout l'action publique -sous ses volets fédéral et provincial -à travers des soutiens logistique et administratif aux entreprises dans leur recours aux TMT.
Cette étude comparative analyse le cas des politiques publiques canadiennes en matière de travail migrant temporaire au regard des principales tendances contemporaines caractérisant les migrations internationales du travail. Elle en examine les conséquences socioéconomiques sur la régulation de l’emploi et l’accès aux droits sociaux du travail à partir d’une analyse critique des politiques publiques canadiennes d’immigration et d’emploi. Cette étude se focalise d’abord, au niveau infranational, sur les incidences locales des principaux programmes canadiens de « travailleurs étrangers temporaires » et sur l’émergence d’une « zone grise » de l’emploi dans des espaces du travail qui, au Canada, ont toujours été étroitement encadrés par un modèle de relations du travail issu du New Deal clairement en rupture avec l’informalité grandissante affectant cette « zone grise ». Elle aborde ensuite, sur un niveau international, ces flux migratoires du travail dans la perspective de la division internationale du travail dont ces derniers s’imposent désormais comme une figure centrale et en souligne les conséquences en termes d’accès aux droits sociaux et de dérégulation du rapport salarial. La conclusion pose la question du rôle ambivalent de l’État dans la gestion de ces flux et de leurs incidences sur la formation de nouveaux espaces d’informalité du travail : une tendance internationale lourde.
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