À partir des années 1980, suite à la désindustrialisation et l'avènement d'un régime de compétition interurbaine, les discours liant la culture au « renouvellement » des espaces urbains n'ont cessé d'être mis en avant par les politiques urbaines, les organismes et agences de développement local, les médias, et même certains investisseurs et promoteurs privés. À titre d'exemple dans le cas bruxellois, le groupe immobilier Atenor -très actif dans la zone du canal depuis plusieurs années -a récemment fait une analogie avec le secteur militaire pour invoquer la nécessité des villes à s'insérer dans la « course aux armements culturels » 1 . Comme de nombreux auteurs qui ont analysé ce « tournant culturel de la régénération urbaine » [Miles, 2005], E. Vivant affirme que « l'usage de la culture dans les politiques urbaines est une tendance marquante des modes de production de la ville depuis une trentaine [quarantaine] d'années dans un contexte de transition postindustrielle. » [Vivant, 2007 : 171].
3Si la culture est souvent présentée aujourd'hui comme un instrument de développement territorial [OCDE, 2005 ; PRDD, 2013 : 40 ; EESC, 2016, notamment] ces investissements culturels aux différentes échelles, des effets pervers peuvent en résulter [Lusso, 2009 ; Colomb, 2011]. Ainsi, l'équipement culturel est devenu une clé de lecture intéressante pour analyser la territorialisation de la culture dans les politiques de « revitalisation » des anciens quartiers industriels. Par le terme équipement culturel, nous entendons tout lieu « accueillant des manifestations artistiques, et où la " culture " est produite, transmise ou consommée » [Bianchini, Ghilardi, 1997 : 49]. Suite au tournant néolibéral de l'action publique [Jobert, Théret, 1994], le rôle de l'équipement culturel issu du keynésianisme spatial [Reigner, 2011] s'est vu remodelé au sein de la fabrique des espaces urbains : passant d'une logique de redistribution sociale et spatiale de la culture (l'accès à la culture pour tous) à une logique de développement local (la mise en valeur de l'expression culturelle/créative de chacun), souvent orienté par la suprématie des intérêts économiques [Hélie, 2009]. [PRD, 1995[PRD, , 2002 prônait la « revitalisation » des quartiers centraux et l'organisation interne du territoire régional, le Plan de Développement International [PDI, 2007] mise sur une stratégie de valorisation des dernières réserves foncières régionales par des projets urbains « ambitieux ». Au niveau de la politique des équipements culturels, cela se traduit par le passage d'une politique de soutien aux équipements de proximité sur l'ensemble du territoire [PRD, 2002] à une politique d'incitation à la réalisation de grands équipements « conçus comme fers de lance de la promotion internationale de la ville » [PriceWaterHouseCoopers, 2007 : 38].
5Dans le même temps, suite à l'évènement Bruxelles 2000 -Capitale européenne de la culture, des acteurs de la société civile et de la scène artistique locale se sont mobilisés face à la complexité institutionnelle ...