Les résultats d’une enquête empirique menée sur la politisation du rock contestataire biélorusse durant la période 1983-2013 permettent de cerner la transformation des modalités de la censure dans un régime autoritaire post-soviétique. La censure est envisagée ici d’un point de vue inclusif et structural comme l’élément d’un système plus général de « gestion de la dissidence » qui ne se résume pas aux méthodes répressives immédiates, mais possède aussi des dimensions implicites, invisibles et non restrictives. Il apparaît dès lors, d’une part, que le phénomène revêt dans les régimes autoritaires contemporains un caractère plus informel, diffus et imprévisible, et que la censure économique y est de plus en plus importante ; d’autre part, que les activités, les producteurs et les produits culturels censurés se politisent systématiquement ; enfin, que le volet restrictif de la censure s’accompagne de dispositifs d’encadrement et de cooptation des activités culturelles contestataires.
Sur l’exemple de la musique contestataire, l’article analyse les contraintes d’ordre politique qui s’imposent à l’expression publique au Bélarus et en Russie. Le nouveau système de post-censure postsoviétique est décentralisé et passe par l’intervention d’agents relativement autonomes (entreprises privées, médias, fonctionnaires, associations). Ce système s’appuie sur des mécanismes économiques et non sur l’interdiction formelle ; il n’est pas mobilisé en permanence mais se met en route « par vagues », à la suite de périodes d’intensification de la politisation dans la société (comme des mobilisations protestataires importantes sur fond d’élections). Tout se passe comme si des contraintes particulières s’imposaient pendant ces périodes à l’activité des artistes (surtout des plus connus ou des plus radicaux parmi eux) qui prennent position à l’encontre des autorités.
En mobilisant l’exemple de deux types de situations qui font participer les experts biélorusses au travail du Conseil de l’Europe, l’article pose la question des usages de l’expertise. À travers l’analyse de l’évolution du profil socio-professionnel des experts et l’observation des situations d’expertise, le caractère hétérogène et multiple de ces usages est souligné. L’expertise ne sert pas uniquement, pour l’organisation internationale, de source d’information (l’expertise pourvoyeuse de « ressources »), mais aussi d’instrument d’influence dans un État non-membre (à travers des experts collaborateurs) et d’outil de communication complétant les canaux diplomatiques officiels (experts para-diplomates).
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