Je tiens à remercier Johanna Siméant-Germanos, Sophie Béroud, David Hamelin ainsi que les deux relecteurs anonymes de la revue Images du travail, travail des images pour leurs remarques qui m'ont permis d'améliorer une première version de ce texte.1 Si les représentations associées au mouvement ouvrier sont innombrables, rares en revanche sont celles qui éclairent son rapport à l'argent. La dimension financière fait en effet l'objet d'une véritable occultation dans les représentations militantes et syndicales : l'argent est le « nerf honteux de la guerre sociale » (Pigenet, 1995). Disqualifié d'un point de vue moral, au nom de l'engagement désintéressé et d'un certain ascétisme militant, il l'est également d'un point de vue tactique : pour maintenir le patronat dans l'obscurité quant aux réserves financières de la Confédération générale du travail (CGT), un syndicaliste du textile conseillait ainsi dès 1906 de ne « pas crier trop haut ce que l'on possède et encore moins ce que l'on ne possède pas » (Rist, 1933, 438). Les images que cet article se propose d'étudier occupent donc une place particulière parmi les représentations visuelles du syndicalisme : si elles portent sur l'une de ses activités principales -la grève -, c'est toutefois pour en décrire la dimension financière souvent occultée. Plus précisément, on s'intéressera ici à la pratique des caisses de grève, c'est-à-dire à la collecte et à la répartition d'argent pour soutenir des grévistes engagés dans des conflits longs et coûteux. En analysant Produire la solidarité par l'image ? Les caisses de grève et leurs représenta... Images du travail, travail des images, 12 | 2022