Messages-clés• La géographie des campements parisiens révèle l'errance des exilés dans sa dimension systémique et collective tout en dessinant la frontière de l'accès aux droits à l'échelle urbaine. • Les campements urbains parisiens sont, d'une façon paradoxale, des espaces d'exception et des espaces normalisés par un processus d'évacuations successives. • Les campements urbains parisiens, lorsqu'ils contredisent les stratégies des autorités, deviennent des objets spatiaux revendicatifs et des scènes polémiques qui dévoilent la dimension politique du phénomène. En Europe, de nombreux exilés se heurtent à des politiques migratoires de plus en plus restrictives qui provoquent en région parisienne des situations d'errance. Les personnes qui cherchent l'asile expérimentent de longues périodes d'attente et d'incertitude qui se passent principalement dans la rue. Entre 2015 et 2020, cette errance a conduit à la formation de regroupements sous la forme de campements spontanés et à l'élaboration d'un système d'évacuation par les autorités, lequel n'empêche pas leurs reformations successives. Ces campements dessinent alors la frontière d'un non-accès aux droits qui contraint les exilés à une posture d'attente subalterne. Nous proposons ici d'étudier la géographie et les ambivalences des campements, à la fois espaces d'exception, espaces normalisés et espaces de revendications. Nous nous inspirons des notions de police et de politique développées par Rancière, dans le cadre d'une approche critique de la géographie et des études sur la citoyenneté. Nous défendons l'idée que les campements urbains parisiens, sous certaines conditions géographiques, sont situés « aux bords du politique » selon les termes du philosophe, c'est-à-dire à l'articulation des processus de contrôle et d'émancipation.