En Tunisie, la filière tomate de transformation joue un rôle majeur dans le développement socio-économique local de certains territoires. La plaine de Haouaria, région historiquement spécialisée dans cette production industrielle, connaît depuis les années 2010 un processus de déterritorialisation se traduisant en amont par une plus grande vulnérabilité des agriculteurs. L’objectif de cet article est de présenter les variables explicatives de ce processus. Pour ce faire, nous avons mobilisé le cadre conceptuel de l’approche filière. Notre démarche méthodologique s’est appuyée sur une recherche bibliographique et documentaire, des enquêtes de terrain auprès d’agriculteurs et de consommateurs, des entretiens avec les acteurs institutionnels et les industriels et enfin des focus groupes avec différentes parties prenantes de la filière. L’article analyse la structure et les mécanismes de régulation de la filière et estime le poids du territoire dans son développement. Nos résultats montrent que la structure de cette filière est dominée par la forme industrielle, avec des entreprises dont la production est peu diversifiée et est constituée principalement de double concentré de tomate, produit de base du modèle de consommation alimentaire tunisien. Cette structure se caractérise par une forte asymétrie de pouvoir ainsi qu’une répartition inégale de la valeur entre les acteurs économiques de la filière. Des mécanismes de régulations ont été développés par les acteurs économiques et l’État afin de s’adapter à diverses contraintes internes en amont, telles que la baisse de disponibilité en eau et la saturation du marché. Cette reconfiguration se traduit par une forte dépendance de cette filière à d’autres régions pour son développement. Finalement, il apparaît que la déterritorialisation de cette filière résulte des régulations internes et externes, alors que les actions de territorialisation (diversification des produits, reconnaissance par des dispositifs de labellisation, etc.) restent timides et ont du mal à se structurer.