À partir d’une enquête ethnographique menée entre mars 2020 et mars 2021 dans un service de l’aide sociale à l’enfance (Ase) d’un département français, l’article questionne les manières dont les dimensions de genre et d’identités sexuées structurent une partie du travail social auprès de jeunes migrants. Bien qu’il veille à prendre en considération le genre, le travail social conserve ses propres ambivalences vis-à-vis de la question du genre, héritées des conditions de travail de l’intervention sociale (manque de personnel, de budget, de places en foyers, etc.) et des situations d’urgence auxquelles font face les professionnels. L’enquête souligne que le recours à des stéréotypes de genre et de sexe ethnicisés et racialisés par les professionnels est un levier du travail social en ce qu’il permet de sectoriser la prise en charge des jeunes, et ainsi de la rendre plus rapide ou simple, dans un contexte de travail sous tension et contraint par la rareté de ses ressources. Malgré tout, les professionnels ont conscience des assignations d’identités de genre et de sexe ethnoracialisées dont les jeunes font l’objet et ont par ailleurs recours à ces stéréotypes dans leurs discours afin de les déconstruire. Ils visent ainsi à accompagner les jeunes dans une voie d’émancipation, d’autant que certaines de ces assignations renvoient à des sexualités adolescentes jugées déviantes.