La majorité des patients se présentant dans un service d'urgence avec une poussée d'urticaire généralisée et/ou un angio-oedème va recevoir un traitement associant corticoïde et antihistaminique. Cette attitude pragmatique permet dans bien des cas de réduire l'évolution de l'urticaire aiguë tout en soulageant le malade, mais n'est confortée que par de rares études [1,2]. Le but de cet éditorial n'est pas tant de remettre en question cette attitude thérapeutique que d'attirer l'attention des urgentistes sur une situation où la corticothérapie peut être délétère, l'urticaire chronique (UC). Bien que fréquente, cette pathologie est souvent méconnue des médecins et des patients.
Comment reconnaître une UC ?Le diagnostic d'UC repose sur l'interrogatoire ; par défini-tion, c'est une urticaire évoluant depuis plus de six semaines [3]. Lorsque les poussées sont quotidiennes ou quasi quotidiennes, le diagnostic est simple, il devient plus difficile lorsqu'elles sont intermittentes. Il faut savoir rechercher à l'interrogatoire la survenue fréquente et répétée de plaques prurigineuses et fugaces d'urticaire. L'angio-oedème ou urticaire profonde est associé aux plaques d'urticaire chez 40 % des UC et peut être isolé dans 10 % des cas [4]. La méconnaissance du diagnostic amène les patients à des consultations multiples et répétées aux urgences par crainte de manifestations anaphylactiques graves dont le traitement d'urgence est l'adrénaline.Pourquoi faut-il éviter la corticothérapie générale dans l'UC ?• Il s'agit par définition d'une pathologie chronique, souvent prolongée. Une étude portant sur 139 urticariens chroniques a ainsi montré la persistance de la maladie dans 52 % des cas à deux ans, 43 % à trois ans et 14 % à cinq ans [5]. Le recours répétitif à la corticothérapie par méconnaissance du diagnostic peut générer une corticodépendance et des effets secondaires non négligeables dans une pathologie cutanée, certes invalidante en termes de qualité de vie, mais bénigne ;• la corticothérapie générale n'est pas un traitement curatif de l'UC, aucun n'étant d'ailleurs validé dans cette pathologie [6]. Le traitement symptomatique repose sur la prise continue d'antihistaminiques H1 qui permettent dans un grand nombre de cas de soulager suffisamment les patients. Une étude rétrospective portant sur 750 adultes atteints d'UC a ainsi montré une réponse satisfaisante à une monothérapie antihistaminique chez 88 % des patients [7]. Le consensus européen de 2009 ne recommande l'usage de la corticothérapie générale dans les exacerbations sévères qu'en troisième « palier » et en cure courte de trois à sept jours après échec des anti-H1 à posologie normale puis majorée et des antileucotriènes. Cette recommandation ne repose cependant que sur un faible niveau de preuve [6] ;• une corticothérapie répétée semble pouvoir aggraver l'UC et induire une résistance aux antihistaminiques [8]. Ainsi, dans une étude prospective ouverte portant sur 17 urticariens chroniques sévères traités par corticoïdes et résistant aux antihistaminiques, l'arrêt...