Sortie ou issue ? Ce que l'émancipation signifie À PROPOS collective le fait que seul le pouvoir lui-même adopte le point de vue de la totalité 2 . Il n'en reste pas moins qu'ils l'ont fait en acceptant la conséquence qui en découle : renoncer à l'émancipation à venir pour l'ensemble de la société en faveur d'une subversion toujours actuelle. Sans nostalgie mais avec un certain recul critique sur la critique, on relèvera donc que le « tout autre » a revêtu un sens consistant pour la société dans son ensemble tant qu'il était formulé par la théorie marxiste, précisément en ce qu'elle était une théorie. À partir du moment où on a commencé à essayer de le dégager des pratiques, il semble en revanche que l'on ait perdu la portée collective du concept d'émancipation. Il serait pourtant trop hâtif de conclure de ce fait que nos sociétés contemporaines, dans leurs pratiques émancipatrices, ne visent plus ce qu'on a désigné comme l'émancipation de la société dans son ensemble. Il semble bien plutôt que c'est l'intérêt de connaissance de la philosophie de l'émancipation actuelle, étayé essentiellement sur son rejet à la fois du projet d'émancipation bourgeois, et de sa mise en oeuvre, et du projet d'émancipation marxiste, et de sa distance surplombante à l'égard des pratiques, que d'a ranchir les pratiques d'une visée globale concernant l'ensemble de la société. Autrement dit, il ne s'agit aucunement de jeter le soupçon sur ces philosophies en les accusant d'escamoter consciemment ce qui, dans les pratiques, se réfère à ce genre de projet global. Mais il s'agit plutôt d'interroger le rétrécissement de leur focale sur l'actualité des pratiques. Cette optique, en e et, les oblige à reformuler chaque fois à nouveaux frais ce qu'émancipation veut dire, comme si le concept, y compris pour les acteurs, n'était pas porteur d'une densité historique et d'une force propre qui tiennent à sa trajectoire au sein des sociétés modernes et de leur mode de construction. Bref, elle revient à a rmer in ne que les acteurs ne sont pas travaillés par l'histoire de leurs sociétés, que les luttes, pour ainsi dire, n'ont pas réussi à transformer leurs mots d'ordre toujours actuels, en ce qu'ils s'articulent à une situation concrète, en idéaux collectifs transmis au sein des sociétés d'où ils ont émergé. Ou encore, à a rmer que l'émancipation n'a pas d'histoire, que ce concept est resté inaltéré par sa mise en pratique au sein des sociétés modernes et peut, dans sa pureté et prêt à l'emploi, être décroché du ciel des idées à chaque fois qu'une critique de la société se formule. Des doutes sont permis à l'égard de l'une et l'autre a rmation et, partant, à l'égard de la pertinence d'un tel rétrécissement de focale. Reste à savoir comment reconquérir sur l'émancipation un regard qui, sans céder sur les besoins de la critique, fasse droit à la détermination historique du concept.2. Cf. Michel Foucault (1994a : texte n°106) ou, avec une autre visée politique, Jacques Rancière (2010 [1983]).