La plupart des micro-organismes favorisent un mode de vie où la population bactérienne se trouve fixée sur un support (état sessile) plutôt que libre et isolée dans le milieu environnemental (état planctonique). L'attachement sur une surface est une « stratégie de survie » qui permet à la bactérie de s'installer et de coloniser un environnement. L'état planctonique pourrait se réduire au passage de la bactérie d'une surface à l'autre. Après attachement sur un support, les bactéries vont mettre en place et développer une communauté organisée à laquelle William Costerton a donné le nom de « biofilm » [1]. Jusqu'à récemment, ces biofilms, et l'activité bactérienne qui en résulte, étaient connus pour les problèmes inhérents à leur capacité de recouvrir et de corroder les canalisations ou encore les coques de bateaux. Depuis quelques années, il est apparu que leur importance dans le milieu médical est capitale, puisque 65 % des infections bactériennes chez l'homme impliquent des biofilms [2]. Les biofilms peuvent se former au niveau de cathéters ou d'implants (valves cardiaques, hanches artificielles), et attaquer des tissus corporels comme les dents, les yeux, les poumons, les oreilles ou le tractus urogénital [1]. L'étude des mécanismes moléculaires qui permettent la formation des biofilms devrait permettre de mieux maîtriser les développements pharmaceutiques et technologiques visant à prévenir ou à éradiquer leur formation.
Qu'est ce qu'un biofilm?Le biofilm se définit comme une population bactérienne adhérée à une surface et enrobée d'une matrice d'exopolysaccharide. L'étape initiale d'attachement fait intervenir des appendices générateurs de mouvement qui permettent d'approcher la surface à coloniser [3]. Cette approche conduit à un attachement transitoire pendant lequel la bactérie va chercher à « évaluer » la surface sur laquelle elle se trouve. Dans un deuxième temps, une association stable avec la surface ou avec d'autres micro-organismes déjà présents s'établit. Ces rassemblements de bactéries conduisent à la formation de micro-colonies dont la diffé-renciation mène à l'élaboration du biofilm [1]. La matrice d'exopolysaccharide, essentiellement l'alginate pour Pseudomonas aeruginosa, représente quelque 85 % du volume total. Cette matrice renforce la structure du biofilm tout en lui conservant une grande plasticité. Au sein MEDECINE/SCIENCES 2003 ; 19 : 77-83 REVUES SYNTHÈSE > Durant ces 20 dernières années, les microbiologistes ont pris conscience que le mode de croissance bactérien utilisé en laboratoire avait ses limites. En effet, dans leur environnement naturel, les microorganismes sont attachés à une surface, organisés en communautés structurées, et englobés dans une matrice d'exopolysaccharide. Ce mode de dévelop-pement, appelé biofilm, a pris une importance toute particulière lorsqu'il a été établi qu'il était impliqué dans un grand nombre d'infections bactériennes. Pseudomonas aeruginosa est un pathogène opportuniste responsable d'infections nosocomiales et d'infections irréversibles et mortelle...