Depuis les années 2000 en France et en Europe ont émergé des initiatives visant à favoriser le retour d’espace de haute naturalité. Ces projets, majoritairement portés par des associations, entendent contribuer à la lutte contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité. En France, des projets encourageant la « libre évolution » se développent surtout autour des milieux forestiers, bien que ces pratiques se développent dans d’autres milieux. C’est dans ce contexte, qu’a émergé le projet de l’Association Francis Hallé pour la forêt primaire (AFH), dont l’ambition est de recréer les conditions favorables au développement d’une forêt primaire de 70 000 hectares en zone transfrontalière en Europe de l’Ouest. Le présent travail de recherche, basé sur une démarche de recherche-action, s’intéresse à la manière dont ce type de projet promeut l’émergence de nouveaux modes d’action de protection de l’environnement tout en procédant d’une mise en politique de son objet. Le présent travail explore le positionnement du projet de l’AFH dans le contexte d’intérêt croissant pour les stratégies de libre évolution. Il s’intéresse également à la stratégie déployée par l’organisation et aux effets induits par le développement potentiel d’une telle initiative sur un territoire (par exemple changements d’usages, reconfiguration des activités économiques, et cetera). L’article montre que l’initiative étudiée est complexe et fait face à un certain nombre de limites pour sa mise en œuvre du fait de l’ambition de son projet, du statut d’association et de l’absence de précédent. L’AFH propose une démarche hybride, être le point de rencontre et/ou de friction entre les pratiques institutionnelles de la conservation de la nature et l’action associative. Le projet de l’AFH, à défaut de se territorialiser, contribue à la promotion et à la mise en débat des principes de libre évolution comme approche de gestion de l’environnement, et manière de cohabité avec les autres qu’humains et leviers de transitions socio-écologiques.