Pour une spécialité morphologique, qui s'attache à décrire des images microscopiques de cellules et de tissus, l'anatomie pathologique (ou anatomie et cytologie pathologiques) a une image négative auprès du grand public voire des autorités administratives ou hospitalo-universitaires de tutelle. Ce constat bien ironique est une réalité quotidienne pour tous les praticiens de cette discipline. De manière simple, quand nous voulons expliquer quelle est la nature exacte de notre travail en tant que pathologistes, nous sommes obligés d'utiliser un argumentaire métaphorique, en expliquant que notre activité consiste à examiner, sous le microscope, des fragments de tissus qui ont été prélevés afin de vérifier s'il n'existe pas de cellules cancéreuses ou de cellules inflammatoires. Ayant dit cela, nous n'avons pas beaucoup éclairé notre interlocuteur qui continue de penser que nous exerçons une spécialité très bizarre et le raccourci pour lui sera tout trouvé de nous considérer comme une sorte de biologiste. Plus sérieusement, l'anatomie pathologique, que nous nommerons volontairement « pathologie » au cours de cet exposé, devient une discipline majeure de la médecine car elle reste basée sur une expertise longue à obtenir, mais surtout parce qu'elle est perméable à tous les développements des sciences biomédi-cales mais aussi des sciences fondamentales. Elle a toujours eu pour vocation d'analyser des fragments de tissus ou des cellules à des fins diagnostiques, contribuant ainsi à une meilleure prise en charge de l'homme malade et à une meilleure compréhension des processus pathologiques dans leur globalité. La partie « anatomique » de cette spécialité médicale prend sa source dans les nombreuses études nécropsiques qui étaient sous la responsabilité des pathologistes et qui ont permis à des générations de médecins d'appréhender, au niveau anatomique, les lésions qu'ils allaient examiner au niveau microscopique. Nos prédécesseurs dans la discipline ont commencé leur carrière en pratiquant de très nombreuses autopsies et la question qui se pose aujourd'hui est de savoir si cette pratique peut encore avoir une valeur didactique pour la formation des jeunes internes. Probablement pas. La formation du pathologiste du XXI e siècle peut faire l'économie d'analyses nécropsiques. En effet, nous avons tous constaté que le nombre d'autopsies scientifiques avait considérablement diminué et cette diminution est imputable à l'amélioration des techniques d'imagerie médicale, précédemment abordée dans cette série [1][2][3]. La somme de connaissances qu'un jeune étudiant devra acquérir pour devenir un pathologiste de bon niveau est devenue considérable. Il va devoir « faire son oeil » sur une multitude de lésions qui s'accompagnent aujourd'hui de prises en charge très protocolaires, extrêmement contrôlées. Il va devoir maîtriser les techniques qui lui permettront d'affiner le diagnostic morphologique, qui sont issues de l'immunologie ou de la biologie moléculaire. Il va enfin devoir se familiariser avec les nouvelles techniques d'imag...