Pour ceux qui essaient de défendre l'idée qu'en dehors de la « théorie critique », il n'y aurait pas de possibilité critique, ou encore qu'il s'agit « d'une théorie critique » générale (voire générique), à portée universelle et transhistorique, nous souhaitons souligner combien, à l'intérieur même de cette « théorie critique », la pluralisation et les tensions épistémiques sont à l'oeuvre dès les origines. Ce qui revient à requalifier la logique mainstream comme étant davantage une opération de clôture a posteriori, à visée épistémo-stratégique, d'acteurs de la scène académique, qui peuvent d'ailleurs avoir des intérêts différents mais qui ont en commun d'emprunter les voies d'une approche homogénéisante. Ainsi considérons-nous qu'explorer les apports mainstream, c'est aussi se connecter à des questions traitées par des courants moins fréquentés. Ce qui rejoint une réflexion développée dans un autre champ, la sociologie, à propos de la question récurrente de la possibilité d'une théorie sociologique générale : « En ce sens, le post-fondationnalisme n'est pas une réfutation de toute théorie ou d'une analyse sociale rigoureuse, mais définit une position qui défend un type d'argument plus complexe et multidimensionnel […]. Les post-fondationnalistes […] préféreront parler de la façon dont l'analyse sociale exige un type d'argumentation à plusieurs niveaux, articulant raisonnement analytique, données empiriques, clarification normative, et qui adopte une perspective réflexive sur ses propres implications sociales pratiques » (Alexander, Seidman cité in Silber, 2004 : note 12). 164 échanges F. Bernard échanges Les traversées des recherches critiques