Directrice de Recherche au CNRS, en sciences du langage, UMR 8202 SeDyL (CNRS, INALCO, IRD), Structure et Dynamique des LanguesAprès avoir été considérées comme des phénomènes marginaux intervenant lors de complexifications de situations 'normales' monolingues, les pratiques langagières plurilingues ont essentiellement été analysées sous l'angle du codeswitching. Or cela sous-entend l'identification de langues en contact dans des corpus généralement bilingues, parfois plurilingues, par les linguistes qui contribuent en cela à la fabrication des frontières de langues là où les locuteurs ne les mettent pas forcément en frontières, dans l'interaction. Les catégorisations actuelles telles que (trans/poly) languaging sont discutées ainsi que l'analyse d'extraits de corpus plurilingues recueillis dans des situations endolingues ou exolingues. Je montre finalement comment l'ambivalence ou le jeu sur les frontières, par les acteurs sociaux, est une caractéristique essentielle de leurs pratiques plurilingues et hétérogènes.
Plurilinguisme, pratiques langagières, frontières de langues, boundaries, languagingAprès avoir été considérées comme des phénomènes marginaux intervenant lors de complexifications de situations 'normales' monolingues, les pratiques langagières plurilingues ont essentiellement été analysées sous l'angle du codeswitching. Les approches grammairiennes se sont consacrées aux contraintes observables dans l'alternance des langues (Poplack 1981; Myers-Scotton 1993a) ou en situation de changement linguistique (Thomason 2001) alors que les approches interactionnelles ont identifié différentes significations sociales qui pouvaient y être associées (Gumperz 1982;Auer 1999;Rampton 2005). Or ces différentes approches se fondent toutes sur l'identification de langues en contact dans des corpus généralement bilingues, parfois plurilingues. Venant de la sociolinguistique et de l'anthropologie linguistique, la critique des langues comme niveau d'appréhension des phénomènes de contact, de variation et d'hétérogénéité s'est progressivement généralisée ces dernières années même si la focalisation sur les pratiques (linguistiques ou langagières) plutôt que sur les langues est ancienne et même constitutive de l'émergence de nos disciplines. Mais les travaux ont jusqu'à récemment encore trop souvent eu recours aux notions de langues -ou de variétés -qui sous-entendent l'établissement (par les linguistes) de systèmes fermés, c'est-à-dire délimités par un intérieur et un extérieur à la langue vue comme entité discrète. De la même manière, la linguistique de corpus identifie univoquement des langues en corpus (Léglise et Alby 2013). La question des frontières, apparaît en effet particulièrement cruciale pour les chercheurs lorsqu'on se focalise sur les questions de transcription car tout passage d'une sémiotique à l'autre pose des problèmes de frontières et oblige le chercheur à faire des choix tout en ayant comme souhait de rendre les systèmes de transcription compréhensibles à tout lecteur.Or on sait que les frontières entr...