Ce texte se propose d’étudier comment la radio publique a pu jouer un rôle d’acteur central dans la mise en œuvre d’une politique de sécurité routière dans les années 1960, avant même qu’elle ne soit consacrée comme grande cause nationale. Ce média concourt activement à la constitution d’un instrument d’État – l’information routière. Si la radio publique a pu exercer un tel rôle, cela tient principalement à son ancrage dans une conjoncture historique spécifique dans laquelle on assiste à une très grande porosité entre certains médias et le pouvoir politique en place. Ce projet est porté par des entrepreneurs de cause gaullistes et/ou marqués par une socialisation dans les mouvements d’encadrements de la jeunesse, avec au premier chef Roland Dhordain. À tel point que les médias finissent par devenir de véritables adjuvants du pouvoir en place. Par ailleurs, si ce projet réussi, c’est aussi parce que la radio publique est un facilitateur administratif entre les trois ministères impliqués : la Défense, l’Intérieur et l’Équipement. L’ORTF assure une fonction de désenclavement entre les services centraux et permet de fluidifier à leurs relations. Enfin, si les programmes consacrés à la route réussissent à partir de 1952, c’est aussi parce qu’ils rencontrent les intérêts commerciaux de la chaîne ainsi que ceux du secteur automobile. L’intérêt de ce cas-limite est que, par-delà sa singularité historique, il peut nous aider à repenser aujourd’hui les articulations entre politique publique et médias.